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Notes d'Itinérances
23 mai 2019

Chronique burkinabée - 1990 / 2005 (12/32). Marchandage et vente « à l’usure ».

Commerçants de Ouagadougou

 

 

Le marché central de Ouagadougou est une construction neuve, un énorme navire de béton et de briques, d’une architecture audacieuse, assez aérienne et, semble-t-il, fonctionnelle. Il comprend trois grands ensembles, chacun se subdivisant ensuite en quartiers spécialisés. Au centre du rez-de-chaussée, l’alimentation : légumes, viandes, poissons, condiments, constitués de marchands modestes ; puis, au rez-de-chaussée toujours, mais sur le pourtour, la quincaillerie : clouterie, visserie, seaux et bassines, lampes à pétroles, outils, mécanique et pièces détachées de mobylettes, articles de ménage. Enfin, au premier étage, les tissus, les tailleurs, le matériel de sonorisation et les souvenirs pour touristes. 

 

Chaque marchand est posté au fond de sa petite échoppe, étroite et profonde dans laquelle s’accumulent les marchandises. Pour un Européen, facilement repérable et supposé « riche », la traversée du marché est une véritable épreuve : outre que chaque vendeur veut vous montrer toutes les denrées de sa boutique, vous êtes accompagné d’une meute de rabatteurs qui essayent de savoir ce qui vous intéresse afin de vous conduire dans la « meilleure boutique du marché ». Ce n’est que bien après la sortie du marché qu’ils finissent par vous lâcher les basques !

 

Les avenues de Ouagadougou sont également bordées de boutiques comme sur l’avenue Charles de Gaulle. Ce sont de simples cabanes en planches abritant toutes sortes de petits commerces ou artisanats : tailleur, coiffeur, pharmacien, ferronnier, réparateur de vélos. Comme pour tous les magasins du monde, elles exhibent des enseignes affichant le nom de la boutique : « Super Sapes », ou « Grandes galeries ». Ces magasins sont souvent regroupés par spécialités ; ainsi, dans le haut de l’Avenue Charles de Gaulle s’agrègent les « Lévitan » locaux. Sur le trottoir se succèdent les « Expo de meubles de luxe » ou les « Super menuiserie » proposant, dans la poussière, quelques sièges en bois teintés en rouge foncé, aux dossiers très hauts et très droits, un lit au cadre massif ou quelques divans aux accoudoirs proéminents. D’autres cabanes affichent des spécialités en « informatique, bureautique, programmation et dessin assisté par ordinateurs ».

 

La technique de vente « à l’usure », se pratique notamment dans les cabanes situées devant les hôtels. Un soir où l’orage menace, pour nous mettre à l’abri, nous rentrons dans les cahutes des vendeurs de souvenirs. Après un premier achat de trente ou quarante francs CFA, le vendeur doit me rendre la monnaie sur mon billet de cent francs. Entre temps une pluie diluvienne s’abat sur Ouaga. Plus moyen de sortir sauf à patauger dans un lac entre les cahutes et l’hôtel et à être trempé comme une soupe tant il tombe des cordes. Le vendeur en profite pour me détailler les richesses de sa caverne pour faire passer le temps et éviter de me rendre la monnaie. Le plus simple est manifestement d’acheter jusqu’à concurrence de mes cent francs, d’autant que nous avons tout le temps et pas de rabatteurs sur les bretelles, chacun d’entre eux s’étant replié sur des positions certainement longuement préparées à l’avance.

 

Les petits vendeurs vous accrochent dans la rue, à quelques endroits « stratégiques », devant la poste, devant les hôtels, aux feux rouges. L’un d’entre eux m’a proposé pendant deux semaines, tous les jours, une petite bicyclette en fil de fer, en me détaillant, à chaque fois, les mérites de l’objet : le guidon qui pivote et dirige la roue avant, le pédalier qui tourne et entraîne par un fil la roue arrière. Au bout de quinze jours, j’ai bien évidemment craqué !

 

Les seuls endroits où cette technique de vente « à l’usure » n’est pas pratiquée sont la boutique de la coopérative de cuirs et chez le fondeur « Dermé ». Dans la boutique de la coopérative, située dans la galerie marchande de « L’Indépendance », les employés salariés vous laissent tripoter tous les articles sans s’occuper de vous ; ici, c’est plutôt à vous d’insister pour obtenir le prix des produits et, si vous décidez d’acheter, vous avez plutôt l’impression de déranger. Chez le fondeur « Dermé », vous avez également tout le temps de fouiller dans une étroite bicoque encombrée de sculptures de cuivre. Vous tournez comme vous pouvez entre les statuettes de bergers, de cavaliers aux chevaux cabrés, de paysans portant des paniers. Là, pas de discussion possible sur les prix, sauf si vous achetez plusieurs pièces, il vous est alors consenti une maigre ristourne du bout des lèvres.

 

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