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Notes d'Itinérances
5 octobre 2019

Chine - Les surprises d'un touriste (19/25). T comme Tulou.

Entre château-fort et immeuble HLM circulaire !

 

 

Dans la province du Fujian notamment, au sud-ouest du grand port de Xiamen, dans une région montagneuse, sont présentes de curieuses structures d’habitation collective, les tulou. Elles se présentent comme des forteresses construites avec des formes rondes ou carrées, sur trois ou quatre niveaux, avec une seule porte d’entrée et aucune fenêtre extérieure aux niveaux bas. Le mur extérieur, d’une épaisseur de un à deux mètres, est un composé de terre et de galets avec pour liant du riz glutineux. A l’intérieur, le mur d’enceinte est doublé par une structure en bois de trois étages généralement, parfois quatre, couverte par des toits de tuiles avec de larges avant-toits en surplomb et comprenant des pièces contre le mur d’enceinte et des galeries pourtournantes ouvertes sur la cour intérieure. Chaque famille dispose d’une pièce servant de cuisine au rez-de-chaussée, d’un grenier pour les stocks de nourriture au premier étage et d’une chambre d’habitation au troisième étage. La communication entre les différentes pièces de l’habitation s’effectue par des escaliers collectifs. Chaque famille a donc à sa disposition une « tranche » du tulou. 

 

Avec un stockage de nourriture, chaque bâtiment pouvait résister à un siège prolongé car ils disposent chacun d’une source interne d’eau ainsi que de leur propre système d’égout. Chaque tulou correspondait à un clan et celui-ci pouvait héberger de 200 à 800 personnes selon ses dimensions et caractéristiques. Aujourd’hui, au rez-de-chaussée, un système d’arrivée d’eau sous pression permet à chacun d’avoir un robinet devant sa pièce servant de cuisine. Si une rigole évacue les eaux de lavage, les tulous ne possèdent évidemment ni salle d’eau ni cabinets.

 

La cour centrale abrite généralement un petit temple dédié aux ancêtres du clan. Dans les tulous de très grand diamètre, une seconde couronne d’habitation d’un seul niveau peut exister. Enfin, il existe des tulou de forme carrée et des tulou de forme ronde. Les tulou carrés seraient les plus anciens et le passage à la forme ronde serait dû à une meilleure résistance de la forme ronde aux secousses sismiques, mais certainement aussi parce que la forme ronde permet d’obtenir une plus grande surface intérieure que la forme carrée pour un même périmètre extérieur. Le mur rond exige donc moins de matériaux pour sa construction.

 

La création de ces vastes structures collectives serait due à des déplacements de populations du Nord. Chassés à partir du IIIe siècle, à la fin de la dynastie Han, par les guerres accompagnant les changements dynastiques dans la région du Zhongyuan, celle des anciennes capitales de Luoyang et Xi'an, leurs populations, les Hakkas, auraient fini par s'installer dans une zone située aux limites des provinces de Guangdong, Fujian, Jiangxi et Guangxi. La salle centrale du tulou porte généralement au fronton le nom de la région d’origine du clan, située dans le nord. Si ce n’est pas le cas, leurs habitants considèrent qu’il s’agit d’une halte au cours de la migration et qu’ils sont bien descendants d’ancêtres venant du Zhongyuan.

 

Certains tulou du Fujian pourraient avoir été construits aux XIIet XIIIsiècles. Plusieurs se sont transmis au sein d'une même famille sur plus de 600 ans. La construction de tulou est une pratique qui s‘est poursuivie jusqu'en 1978, de sorte que les traditions du béton de terre, de la charpenterie traditionnelle, de la sculpture sur bois et des tuiles de toit ont été conservées et sont toujours vivantes.

 

La région est reculée et était difficile d’accès jusqu’à une date assez récente à tel point qu’elle a été une place forte de l’armée de Mao dans les années 30. Les chemins puis les routes n’ont été ouvertes que dans les années 50 et 60. C’est aujourd’hui une région agricole plutôt pauvre car les surfaces cultivables sont faibles. Les champs de tabac, de thé, de pamplemoussiers, de riz et de légumes sont minuscules, accrochés au flanc des montagnes, aussi l’exode rural y est fort. Les parents partent travailler en ville, laissant aux grands-parents la garde et l’éducation des petits-enfants, les villages et les tulous se vident. Il en existerait néanmoins encore plus de 20 000. 

 

En 2008, 46 tulou de la province du Fujian ont été inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l'Humanité [1].

 


[1] UNESCO. Liste du patrimoine mondial de l’Humanité. « Les tulou du Fujian ». 2008.

Shiwei Shen. « Les vieux villages chinois : évolution, patrimonialisation et mise en tourisme ».  Thèse de doctorat. Université d’Angers. 2014.

 

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