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Notes d'Itinérances
16 novembre 2019

Campo Marzio - Entre Corso et Tibre (10/20). L’Ara Pacis et la piazza Augusto Imperatore.

Contre l'esthétique fasciste du vide - Le musée de l'Ara Pacis

 

 

Sur la Piazza Augusto Imperatore, après le massacre urbanistique mussolinien, rien n'a changé pendant des décennies, jusqu'à ce que la municipalité de Rome confie la tâche à l'architecte américain Richard Meier, en 1995, de remplacer le monument qui abritait l'Ara Pacis. De quoi s’agit-il ?

 

L’Ara Pacis (Autel de la Paix) est un petit temple de marbre blanc, édifié en 13 av. J-C par le Sénat en l'honneur du retour victorieux d'Auguste de ses campagnes en Gaule et en Espagne. Le temple avait disparu sous les strates successives de construction. Ses restes ayant été identifiés dans les soubassements du palais Fiano, situé au long du Corso, « l’Artisan des destinées nouvelles d’la patrie » qui s’identifiait à un « nouvel Auguste » n’allait pas rater pareille occasion de se mettre en valeur : il avait décidé de l’extraction de l’Ara Pacis et de son remontage, non pas à son lieu originel, mais à côté du mausolée d’Auguste, le long des quais du Tibre ! Le pavillon destiné à accueillir l'autel de la Paix est construit à partir de juin 1938 et, pour pouvoir en assurer la réalisation avant l’inauguration de la place, prévue le 28 septembre, le projet initial est simplifié, les matériaux choisis étant le béton et le faux porphyre.

 

Du fait de la pollution de la zone, des amplitudes thermiques et de la forte hydrométrie, il est constaté, dans les années 80, que l’Ara Pacis se dégrade car le bâtiment provisoire mussolinien a maintenant plus de cinquante ans et le protège mal. En 2005 est inauguré le nouveau musée de l’Ara Pacis, au même endroit, de l’architecte américain Richard Meier : une grande « boîte blanche », élégante, claire, transparente, qui fait face aux bâtiments fascistes froids et prétentieux. Outre sa fonction de préservation du monument antique, par sa forme et ses dimensions, le bâtiment s’efforce de retisser un tissu urbain entre l’ancien port de Ripetta sur le Tibre et le mausolée d’Auguste en recomposant une file de bâtiments le long des quais [1]. Certes, cela ne fait pas encore disparaître la déchirure de la place d’Auguste Imperator, mais cela tente de panser une partie de la blessure avec grâce et légèreté.

 

Le projet demandé à Richard Meier ne concernait pas l'aménagement général de la place et des liaisons entre la zone du Mausolée et celle du nouveau musée de l’Ara Pacis. En 2006, la commune de Rome a lancé un concours pour l’aménagement du lieu, concours international remporté par l'architecte Francesco Cellini avec une équipe composée d'historiens et d’archéologues.

 

Le projet devrait redonner de l'importance à l'espace public piétonnier en limitant les espaces dédiés aux les voitures (routes et stationnements) au profit des circulations piétonnes de liaisons, entre le Tibre, le musée de l’Ara Pacis, le mausolée et le Corso, mais aussi en permettant aux personnes d’approcher au plus près du monument, à l’inverse de la tendance qui vise trop souvent à considérer les zones archéologiques comme des lieux à protéger en les rendant inaccessibles et, du même coup, ils deviennent incompréhensibles. L’ensemble du projet est traité avec des plans de niveaux différents permettant même de retrouver en partie le niveau archéologique (1er et 2è siècle après JC), situé quatre mètres plus bas, lequel est encore en partie pavé de travertin du Ier siècle avant JC. Les accès, en escaliers, pourraient devenir des espaces de repos comme ils l’étaient sur l’escalier de la Trinità dei Monti avant qu’il soit interdit de s’y asseoir. Enfin, une cafeteria pourrait animer le lieu.

 

Ce qui était jusqu'à présent un des espaces les plus tristes de Rome pourrait alors reprendre vie avec à ce projet toujours en cours de réalisation (2024) après 18 ans d'attente et trois ou quatre de travaux… à condition que les lieux soient régulièrement entretenus, qu’ils ne deviennent pas des zones en déshérence que fuient habitants comme touristes, et qu’in fine ne soient pas posées des barrières de protection réduisant les espaces publics, comme on le voit trop souvent à Rome comme ailleurs. Faut-il voir dans l’installation d’un nouvel hôtel de luxe, Bulgari, en 2024, sur la Piazza Augusto Imperatore, un espoir dans ce sens, ou au contraire le regret d’une « artificialisation » du lieu au dépend d’une vie populaire de quartier d’habitation ?

 


[1] Richard Meier & Partners Architects. « Ara Pacis Museum ». 1995 / 2006. 

Lungotevere In Augusto. Musée ouvert tous les jours de 9h30 à 19h30.

 

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