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Notes d'Itinérances
10 septembre 2020

Esquilino et Monti Nord - Des perles dans un écrin banal (6/13). Esquilino - Une œuvre « égarée » du Bernin.

Entre voies de chemins de fer et tramway - Sainte Bibiane - Fresques de Pierre de Cortone et statue du Bernin

 

Rome Esquilino Monti Nord Santa Bibiana

De la place Victor-Emmanuel II, faisons un détour vers une pauvre petite église bien oubliée qui connut son heure de gloire. En se dirigeant vers les voies de la gare de Termini on traverse un quartier de revendeurs asiatiques de vêtements. 

« Il s’agissait de show-rooms pour les grossistes proches du périphérique - une activité commerciale qui n’était pas admise en plein centre-ville et que jamais aucun maire ne s’était pourtant donné la peine de stopper » [1].

Via Ricasoli, à droite, il est possible de traverser le marché de quartier et, en face, est situé un curieux bâtiment contemporain, constitué de couches superposées et plissées à leur extrémité. C'est un des rares exemples de construction contemporaine dans le centre-ville de Rome (King et Roselli – architectes), Le bâtiment comprend un parking public et un hôtel (Radison Blu) dont l'intérieur est spectaculaire : immense hall central ouvert sur les bureaux chambres lumineuses organisées autour d'un îlot central, et piscine sur le toit terrasse. 

Coincée entre deux bâtiments industriels, la haute tour d’un château d’eau et la voie du tramway, subsiste dans cet environnement écrasant et peu poétique une modeste église précédée d’un jardinet fermé par une grille. Elle possède une haute façade avec, au-dessus de la porte d’entrée, un balcon. C’est Sainte-Bibiane. Elle est ouverte pour les offices en matinée et pour les vêpres le soir [2]. Selon la légende, Bibiane aurait vécu au milieu du IVe siècle. Elle était la fille d’un officier qui fut dégradé et privé de ses biens parce que chrétien. Marqué au front au fer rouge, comme un esclave, il fut relégué hors de Rome et mourut de misère. Jeune fille, Bibiane aurait été livrée à une femme chargée de la débaucher et de lui faire abjurer sa religion. Ayant échoué, le prêteur Apronien la fit attacher à une colonne où elle fut battue à coups de cordes plombées jusqu'à ce qu'elle succombât. Son corps fut ensuite jeté aux chiens, mais aucun ne s'en approcha pendant les deux jours où le corps resta sur la voie publique. L’existence de sainte Bibiane n’est pas avérée mais un petit sanctuaire aurait été construit en 468, remanié en 1224. Urbain VIII Barberini (1623 / 1644) fit édifier une nouvelle église, en 1626, pour accueillir les reliques de la sainte. 

L’église présente une façade dessinée par Le Bernin. Plus qu’à une façade d’église cela ressemble plutôt à celle d’un petit palais avec, en rez-de-chaussée, une loggia décorée de pilastres et, à l’étage, des fenêtres. La façade est rendue dynamique par l’imposant fronton brisé de la travée centrale qui domine une fenêtre en retrait [3]. A l’intérieur, la nef comporte une double rangée de colonnes récupérées sur quelques temples antiques. Elle est décorée de fresques de Pierre de Cortone et d’Agostino Ciampelli représentant l’histoire de sainte Bibiane. Les reliques de la sainte sont enfermées dans une urne antique d’albâtre. Derrière l’autel, une statue de sainte Bibiane.

« Statue d’une beauté achevée et le première classe parmi les modernes » [4].

C’est une des premières œuvres du Bernin… Pas d’extases mystiques ambiguës comme à Santa Maria della Vittoria ou à San Francesco a Ripa : la jeune femme est représentée appuyée à la colonne contre laquelle elle a été martyrisée. Droite, sans posture de contrapposto[5], elle lève la main droite, paume ouverte, alors que la main gauche tient la palme des martyrs et retient les plis de sa tunique sur la cuisse. Bref, à l’opposé des statues du Bernin, la pose est assez statique, peu « baroque », ce qui explique certainement pourquoi De Brosse l’apprécie tellement ! Chaque 2 décembre, les reliques de la sainte étaient présentées à la population au balcon de l’église. Il paraît que la foule s’y pressait. Je n’étais pas à Rome un 2 décembre, mais je doute que, dans cet espace urbain restreint et ingrat, les reliques de sainte Bibiane attirent encore les foules.


[1] Francesca Melandri. « Tous, sauf moi ». 2017.

[2] Ouverture tous les jours de 7h30 à 10h00 et de 16h30 à 19h30.

[3] Churches of Rome Wiki. Appréciation partagée : « En conclusion, c'est une pièce de conception architecturale assez ennuyeuse à première vue, mais devrait être appréciée comme un premier essai par le jeune Bernin d'un style qui allait produire des résultats glorieux dans les décennies suivantes » !

[4] Président De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

[5] Mot italien désignant l'attitude d'une figure appuyée sur une jambe, l'autre étant légèrement fléchie. 

Liste des promenades dans Rome et liste de la promenade Esquilino et Monti Nord

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