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Notes d'Itinérances
30 avril 2023

Rome, étrange et curieuse (32/45). Rione Borgo XIV (2) – L’apparition de l’archange Gabriel – Lungotevere Castello, 50.

Un monument funéraire devenu château médiéval et résidence Renaissance

 

 

A mes yeux d’enfant, plus que le Colisée ou la basilique Saint-Pierre, le château Saint-Ange a longtemps représenté pour moi la ville de Rome. Peut-être parce qu’il était dessiné en couverture d’un livre sur Rome possédé par mes parents, ouvrage paru dans les années 30, chez Nathan, dans la collection « Pays et cités d’art ». Outre son imposante masse circulaire, c’est une figure singulière de Rome, entre les grandeurs impériales de la Rome antique et les fastes baroques de la Rome papale, celle d’une Rome moyenâgeuse et guerrière.

 

Avant de devenir le Castel Sant Angelo, c’était un mausolée : celui de l’empereur Hadrien, commencé en 130 sur son ordre et achevé neuf ans plus tard par son fils adoptif et successeur au trône impérial, Antonin le Pieux. Le précédent mausolée, celui d’Auguste situé rive gauche du Tibre, ne disposait alors plus de place dans sa chambre funéraire pour recueillir les cendres des empereurs romains. Le mausolée d’Hadrien (mole Adriana), situé rive droite, est d’une composition similaire à celui d’Auguste et lui fait pendant : une base carrée, de 89 mètres de côté et de 15 mètres de haut, surmontée d'une partie cylindrique d'une vingtaine de mètres de hauteur, se terminant par un tumulus enfermant une chambre funéraire. Au sommet du tumulus un quadrige de bronze était conduit par une représentation de l’empereur. Le mausolée a accueilli les urnes cinéraires des empereurs romains d’Hadrien jusqu'à Caracalla en 217. En 270, Aurélien, entourant Rome d'une nouvelle enceinte, incorpore le mausolée dans les murailles et en fait une forteresse.

 

L’archange Michel apparait au pape Grégoire Ier, dit « le Grand » (540 / 604), le 8 mai 590 au sommet du mole Adriana, remettant son épée au fourreau. A cette date, la peste ravage Rome où sont organisées des processions de pénitence. Le geste de l’archange est alors interprété comme signifiant que les prières des Romains vont être exaucées, annonçant la fin de l’épidémie. Pour commémorer l'événement, on édifie une chapelle et une statue de l'archange au sommet du mole Adriana qui prend alors l'appellation de Château Saint-Ange. Durant les luttes du Moyen-Âge qui opposent les familles romaines nobles, l'édifice est transformé en château fortifié avec notamment la construction de quatre tours d’angle. 

 

« On voit dans l’histoire que les chefs de faction qui tout à tour s’emparaient du pouvoir se regardaient comme bien établis dans Rome lorsqu’ils étaient maîtres de ce fort ; souvent il fut occupé par les papes » [1].

 

La puissante famille des Orsini possède la forteresse, lorsqu’en 1277, Giovanni Gaetano Orsini est élu pape sous le nom de Nicolas III. Celui-ci décide de transférer partiellement le siège apostolique du Palais du Latran à celui du Vatican jugeant le lieu plus sûr grâce notamment grâce à la forteresse du Château Saint-Ange. Il décide également de relier ces deux édifices par un couloir surélevé (« Passeto di Borgo ») qui doit permettre aux papes de se réfugier facilement dans la forteresse. C’est notamment le cas, en 1494, pour Alexandre VI Borgia (1431 / 1503), lorsque Rome est occupée par le Roi de France Charles VIII et, en 1527, pour Clément VII Médicis (1478 / 1534) qui doit fuir devant les troupes de Charles Quint. Le pape Nicolas V Parentucelli (1397 / 1455) rajoute, au-dessus de la partie antique du mole, un étage en brique. Alexandre VI Borgia fait appel à l’architecte militaire Antonio da Sangallo le Vieux pour réaliser les quatre avant-postes octogonaux et le fossé dans lequel sont détournées les eaux du Tibre. Alexandre VI fait aménager des appartements peints de grotesques par le Pinturicchio, appartements ensuite occupés par Clément VII Médicis et Paul III Farnèse (1468 / 1549). Une nouvelle statue de bronze de l’archange Michel, œuvre de Peter Anton von Verschaffelt, est érigée au sommet de l’édifice, en 1753, en remplacement d’un marbre datant de 1544 (photo)

 

Par la suite, le château Sant Angelo perd son intérêt militaire et il sert de prison pontificale.  Benvenuto Cellini, sculpteur et orfèvre, Cagliostro, aventurier et suspect de pratiquer la franc-maçonnerie, Giordano Bruno, moine jugé hérétique, ou Béatrice Cenci, parricide d’un aristocrate violent et immoral, y auraient séjourné ou y auraient été interrogés par le terrible tribunal papal. 

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

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