Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
5 mars 2023

Rome, étrange et curieuse (4/45). Rione Monti I (3) – Miracle et assassinats - Via Madonna dei Monti, 82.

Une madonelle miraculeuse - L’Holocauste à Rome aussi…

 

 

Un jour d’avril 1579, des travailleurs en train de démolir le mur d’une grange entendirent une voix les suppliant de « ne pas blesser l'enfant » ! Étonnés, ils enlevèrent les briques à la main et découvrirent une fresque représentant la Vierge et l'Enfant Jésus. La nouvelle, s’étant répondue à travers la ville, attira un grand nombre de personnes dont une femme aveugle nommée Anastasia. Placée face à la sainte image, elle recouvrit la vue. La répétition de miracles en ce lieu convainquit le Pape Grégoire XIII (1572 / 1585) d’y construire une église en 1580, après que les habitants du quartier se soient vivement opposés au transfert de la fresque. Conçue par Giacomo della Porta, Santa Madonna dei Monti montre une harmonieuse façade en travertin, à deux niveaux, avec des colonnes aux chapiteaux corinthiens et des niches à l’image de l’église du Gesù. Une belle coupole octogonale, reposant sur un haut tambour, lui-même octogonal, couvre la croisée. La fresque miraculeuse, de style byzantin, est exposée sur le maître autel. Sur le mur extérieur de la nef, une madonnelle, sous un petit auvent, en rappelle l’évènement.

 

En descendant la via Madonna dei Monti, à la hauteur du n°82, on remarque une vingtaine de pavés métalliques insérés dans la chaussée. Sur chaque pavé est porté un nom, 14 se rapportent à la famille Di Consiglio (Mose, Salomon, Virginia, Marco, Santoro, Franco, Rina Ester, Marisa, Lina, Cesare Elvezio, Clara, Enrica, Mario Marco, Grazia, Leonello), trois à la famille Di Castro (Giuliana Colomba, Giovanni, Angelo), plus Orabona Massato et Gemma di Tivoli. Ces personnes ont été arrêtées le 21 mars 1944, quelques-unes en mai ou octobre 1943. Plusieurs ont été assassinées aux fosses ardéatines, les autres ont été déportées. Ces pavés de métal, surnommés pierres d'achoppement, sont une initiative de l'artiste allemand Gunter Deming. L’initiative a l’avantage de rendre moins anonymes les millions de personnes déportées et assassinées par les fascistes. Ainsi, via Madonna dei Monti, on mesure d’un coup que toutes les personnes qui occupaient cette petite maison ont été déportées et assassinées, et que parmi elles nombreux étaient les enfants, souvent de deux ou trois ans, le plus jeune n’avait que quelques mois !

 

Après le coup d’État du 10 juin 1943 renversant Mussolini, la déclaration du Maréchal Badoglio proclamant Rome ville ouverte avec la signature, le 3 septembre, d’un armistice avec les Alliés, les Juifs de Rome pouvaient espérer être sauvés alors même que la ville était encore occupée par les troupes nazies. Le 27 septembre 1943, le commandant des SS, Herbert Kappler, ex-officier de liaison de Mussolini et chargé de la police secrète, ayant menacé d'exécuter 200 otages juifs s’il ne lui était pas remis 50 kilos d'or dans les deux jours, des milliers de Romains anonymes apportèrent leurs bijoux réunissant ainsi cinquante et un kilo, sans avoir besoin du prêt remboursable « gracieusement proposé » par Pie XII Pacelli (1939 / 1958) [1] ! Il aurait vraisemblablement été plus efficace que celui-ci fasse connaître publiquement sa réprobation des actes criminels des nazis. Reniant leur engagement, le 16 octobre 1943, les nazis envahissaient le ghetto, arrêtant et déportant 2 091 femmes, hommes et enfants, vers Auschwitz et Bergen-Belsen, avec l’aide de la police italienne [2].

 

Le même commandant nazi ordonna, le 24 mars 1944, l’exécution de 320 personnes en représailles à l'attentat de la veille, Via Rasella, qui avait fait 32 victimes dans les troupes d’occupation. Après la mort de l’un des soldats blessés, Kappler ajouta 15 autres personnes pour faire bonne mesure. Elles furent emmenées à la périphérie de Rome, non loin des Catacombes de saint Calliste et de saint Sébastien, sur la Voie Appia. L’endroit est plus connu sous le nom de « fosses ardéatines ». Plusieurs personnes de la famille Di Consiglio furent assassinées aux fosses ardéatines, les autres, notamment les enfants, furent déportés à Auschwitz. À la fin de la guerre, Herbert Kappler fut arrêté par les Anglais, remis aux autorités italiennes et condamné à la prison à vie. En 1977, il profita d'une hospitalisation pour s'évader en Allemagne. Ce pays refusant d'extrader Kappler vers l’Italie, l’assassin mourut tranquillement dans son lit, dans sa bonne ville natale de Stuttgart.

 


[1] « Le Saint-Siège a annoncé officieusement que le pape lui-même avait autorisé un prêt en espèces ou des lingots d’une quantité d’or qui ne pouvait être trouvé. La dette pourrait être remboursée par versements, sans échéance ni intérêt ». Robert Katz. « Roma Città Aperta. Settembre 1943-Giugno 1944 ». 2004.

[2] Carlo Lizanni. Film « L’oro di Roma ». 1961. Traduit en français par « Traqués par la gestapo ».

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 365