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Notes d'Itinérances
15 novembre 2019

Campo Marzio - Entre Corso et Tibre (9/20). Le mausolée d'Auguste.

Une tombe, une forteresse, un théâtre, un lieu sans vie

 

 

A son retour d'Égypte, en 29 avant J-C, Auguste entreprend la construction d'un tombeau dynastique sur le modèle de celui d'Alexandre le Grand : un soubassement cylindrique, un tumulus tronconique planté d'arbres et, au sommet, la statue de l’empereur. Le monument est élevé dans une zone plate qui abritait des tombes et des bois sacrés et que l'historien Strabon décrit comme un parc luxuriant et agréable [1]. Le mausolée était énorme, près de 90 m de diamètre (la largeur d'un terrain de football). La chambre mortuaire était située à l'intérieur du volume cylindrique qui s'élevait vers le ciel et se terminait à plus de 40 m de haut avec le socle et la statue de l'empereur.

 

A côté de l’Ara Pacis, Auguste fait édifier un gigantesque cadran solaire : l’Horologium [2]. Il couvrait un espace dallé de marbre, de 160 m sur 75 m, sur lequel figuraient des lignes et des caractères de bronze. Le gnomon de ce cadran solaire était constitué d'un obélisque haut de 21 m et pesant 230 tonnes, provenant d’Héliopolis et datant de Psammétique II (594 / 589 av. J-C.). Cet obélisque fut ensuite transporté, en 1792, sur les ordres de Pie VI Braschi (1775 / 1799), sur la Piazza di Montecitorio, devant le parlement, où a été reconstituée une méridienne

 

Après la chute de l'empire, comme cela s’est produit pour le château Sant Angelo (ex mausolée de l’empereur Hadrien), le tombeau est transformé en forteresse dans une ville semi-déserte où les habitants se protègent dans des structures fortifiées et il devient le château de la famille Colonna, puis des grandes familles romaines. Au Moyen-âge, la statue de l'empereur est fondue pour faire des pièces de monnaie. A la Renaissance, le mausolée d’Auguste sert de carrière de pierres. Le centre du mausolée s’étant effondré, les Soderini y établissent un jardin en 1550. Au XVIIIe siècle, le marquis Vincenzo Correa se construit un palais contre le tumulus et transforme l’intérieur du mausolée en théâtre connu sous le nom de « Corée ».

 

« Il y avait aujourd’hui un combat de bêtes au mausolée d’Auguste. Ce grand édifice, vide à l’intérieur, ouvert par en haut, tout à fait rond, est devenu une arène pour les combats de taureaux, une sorte d’amphithéâtre. Il peut contenir de quatre à cinq mille personnes. Le spectacle ne m’a guère édifié » [3].

 

Joutes, tournois, spectacles, feu d'artifice et corridas sont donnés en représentation à l’intérieur du mausolée jusqu'à la première moitié du XIXe siècle. La salle, recouverte d’une toiture, est alors transformée en fonderie par le sculpteur Enrico Chiaradia pour façonner le cheval de Vittorio Emanuele II pour l'Autel de la Patrie ! En 1908, le théâtre Augusteo, avec un toit en fer et en verre, est inauguré sous la direction de l'Académie de Santa Cecilia, une belle salle de concert réputée pour la qualité de son acoustique et où se produisent de grands chefs d'orchestre dont Arturo Toscanini.

 

En 1932, la pioche de Mussolini frappe ce quartier animé autour du théâtre de l'Augusteo dans le but de « libérer » le mausolée d’Auguste tout en remodelant le quartier à la mode fasciste, c’est à dire en faisant raser toutes les maisons (120 !) afin de dégager le mausolée au milieu d’un vaste espace, la place Augusto Imperatore. L'auditorium résiste jusqu'à sa dernière représentation, en 1936, alors que tout le quartier autour a disparu. Rome sera une ville sans auditorium jusqu’à l’inauguration du Parco della Musica, dans le quartier de Parioli, en 2002 ! La Piazza Augusto Imperatore sera inaugurée le 23 septembre 1938, à l’occasion du bimillénaire de la naissance impériale. La place, en forme de «C» autour des ruines dépouillées du mausolée d'Auguste, est entourée de bâtiments rectilignes, pompeux et massifs ; elle se voulait représentative des ambitions urbanistiques de son Duce pour sa capitale, mais aussi représentative de la grandeur du nouvel empire qu’Auguste le Petit rêvait alors de reconstituer et qui comprendrait : Nice, la Corse, la Tunisie, la Libye, Malte, l’Égypte, la Somalie ! La place était une plaie béante dans le tissu urbain de Rome : un lieu vide, froid, inhospitalier, habité par les seuls courants d’air. Bref, l’antithèse de la Rome baroque [4].

 


[1] Antonino Saggio. « Una Storia unica ». In Corriere della Serra - Abitare - Patrimonio Storico. 30/09/2018.

[2] Université de Caen-Normandie. « Le cadran solaire d’Auguste ». 2019.

[3] Goethe. « Voyage en Italie ». 1829.

[4] L’aménagement de la place pourrait (peut-être) être terminé en 2024… Un musée au mausolée d’Auguste devrait être réalisé à l’avenir par l’architecte Rem Koolhaas sur financement de l’entreprise Bulgari.

 

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