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Notes d'Itinérances
25 avril 2021

Les obélisques de Rome (13/28). 1789 – « Sallustiano » (n°10).

Trinita dei Monti - Rione Campo Marzio

 

 

L’église de la Trinità dei Monti est une des cinq églises françaises de Rome. L’église et le couvent ont été construits à la demande du roi Charles VIII, fils de Louis XI. Le terrain fut acheté en 1494 pour saint François-de-Paule, fondateur de l’ordre des Minimes et, le 21 février 1495, le pape Alexandre VI Borgia (ce qui n’est pas une référence très… « catholique ») autorisait la construction du couvent et de l’église. Était-ce pour compenser l’attribution de la moitié du monde aux « Rois très Catholiques » d’Espagne, l’année précédente par le traité de Tordesillas, qu’il acceptait de laisser au roi de France un petit bout de son territoire ? En 1527, le domaine fut dévasté par les lansquenets du souverain Charles Quint (pourtant très catholique, lui !) lors du sac de Rome. Bref, la consécration du sanctuaire eut lieu, au terme d’un siècle de travaux, le 9 juillet 1594. 

 

La façade de l’église présente deux clochers symétriques, ce qui est rare à Rome où les églises sont plus riches de coupoles que de clochers. L’un présente une horloge mécanique avec une seule aiguille pour marquer les 12 heures de la demi-journée, l’autre un cadran solaire qui, compte-tenu de l’orientation à l’Ouest de la façade, ne peut donner d’indication que pour les heures de l’après-midi. Du moins, il précise quart et demi-heures que l’horloge laisse dans une grande imprécision.

 

Devant l’église, le pape Pie VI Braschi (1775 / 1799) fit ériger, en 1789, un obélisque en granite rouge d’Assouan, aux noms de Séthi 1er et de Ramsès II (voir photo). Mais ce n’est pas pour autant un obélisque égyptien ! De fait, il a été réalisé à l'époque impériale romaine à l'imitation des obélisques égyptiens, en copiant les hiéroglyphes des pharaons Séthi 1er et Ramsès II situés sur l'obélisque Flaminio. Certains de ces hiéroglyphes seraient maladroitement recopiés à l’envers et d’autres, par contre, ne respectent pas les codes égyptiens de représentation des personnages (torse de face, mais visages et pieds de profil), les sculpteurs romains se laissant aller à des représentations dans l’espace (voir la photo ornant la liste des articles) ! Chassez le naturel…

 

L’obélisque est appelé́ « Sallustiano » car il a été retrouvé près de la Porta Pia, dans les Horti Sallustiani, les jardins de la Villa de Salluste, militaire romain, gouverneur, sénateur et historien. Après avoir longtemps traîné au Latran, et même avoir failli être érigé devant Notre-Dame à Paris, l’obélisque finit en haut de l’escalier de la Trinité des Monts. Haut de 14 mètres, il atteint un peu plus de 30 mètres avec sa nouvelle base. Au sommet, il est couronné par une fleur de lys. Est-ce une délicate attention du pape à la présence française ? Ou une façon de rappeler à la royauté française « l’ordre naturel » de la hiérarchie ? Car la fleur de lys est surmontée d’une étoile à huit branches (élément des armes du pape Pie VI) puis, l’ensemble, d’une croix. Sous-entendu, en haut Dieu, puis le pape, et en-dessous le roi de France ? Le soubassement d'origine de l'obélisque fut ensuite retrouvé dans les jardins de Salluste en 1843. Il a été placé en 1926 au Capitole, dans le jardin situé à côté du Palais des Sénateurs, au début de la via di San Pietro in Carcere, comme monument aux morts fascistes. Le monument a été démoli en 1946 [1].

 

L’obélisque, en haut de l’escalier de la Trinità dei Monti, fait partie d’une scénographie spectaculaire. Le site, décor de théâtre par excellence, a servi de fond de scène à de très nombreux films. « La Ragazze di Plazza di Spagna », tourné en partie dans la maison des poètes anglais Keats et Shelley, mais avec comme acteur clef l’escalier de la Trinità dei Monti. C’est un film de 1952, de Luciano Emmer avec comme autres interprètes Lucia Bosè, Cosetta Greco, Liliana Bonfanti et Marcelo Mastroianni qui joue le rôle d’un chauffeur de taxi. Le film est considéré comme faisant partie du néoréalisme, mais « à la sauce rose » ! Trois jeunes filles travaillant dans la haute couture (nous sommes à deux pas de la via dei Condotti) ont des histoires d’amour. 

 

Dans « Nous nous sommes tant aimés » d’Ettore Scola, avec Nino Manfredi, Vittorio Gassman et Stefano Satta Flores, l’un des acteurs reproduit sur les escaliers de la Trinità dei Monti une des scènes les plus célèbres du cinéma, celle des escaliers d’Odessa du « Cuirassé Potemkine » ! Un film sur la désillusion de ceux qui ont lutté contre le fascisme et qui se sont plus ou moins intégrés dans la société, avec cette phrase terrible : « Nous voulions changer le monde, et c’est le monde qui nous a changés ».

 

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