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Notes d'Itinérances
29 avril 2021

Les obélisques de Rome (15/28). 1822 – « Aureliano » (n°12).

Piazza Pincio – Rione Campo Marzio

 

 

Les jardins du Pincio poursuivent ceux de la Villa Borghese et permettent de rejoindre la piazza del Popolo (piace du peuple). Des jardins existaient déjà à l'époque de la Rome antique sur cette colline dominant Rome. Ils accueillaient les villas de riches familles romaines notamment les Pinci qui laissèrent leur nom à la colline. Néron, condamnée à la « damnatio memoriæ » par le Sénat, une condamnation infamante à l'oubli mais aussi à une mort peu glorieuse par flagellation la tête prise dans une fourche, s’est « suicidé » dans la maison de campagne d’un de ses affranchis, Phaon, située entre les voies Salaria et Nomentana, non loin de la colline du Pincio. Son corps aurait été ensuite brûlé sur cette colline et cette crémation a donné lieu à de nombreuses légendes avec notamment des apparitions de fantômes ! C’est aussi ici que le général byzantin Bélisaire (500 / 565) y établit son camp lorsqu'il défendit Rome contre l'Ostrogoth Vitigès en 537.

 

Dans les jardins du Pincio, vous croiserez un des derniers obélisques antiques érigés à Rome (voir photo). Celui-ci est un obélisque romain, dédié par l'Empereur Hadrien (76 / 138) à son jeune amant, Antinoüs (111 / 130), mort noyé dans les eaux du Nil. Très affecté par la mort de son favori, Hadrien participa à sa déification d’autant que les Égyptiens considèrent les noyés du Nil comme les serviteurs d'Osiris et que la date de la disparition d’Antinoüs était celle de la mort d’Osiris [1]. L’obélisque, dit « Aurélien », a été réalisé pour orner, en 135, l’entrée du temple dédié à Antinoüs divinisé après sa mort et situé au Nord-Est du mont Palatin non loin de l’arc de Constantin.

 

« Je m’employais aussi à orner le cénotaphe élevé au Champ de Mars à la mémoire d’Antinoüs, et pour lequel un bateau plat, venu d’Alexandrie avait débarqué des obélisques et des sphinx » [2].

 

L’empereur Héliogabale (203 / 222) fit déplacer l’obélisque sur la spina du cirque de Varus construit dans le domaine impérial du Sessorium lequel devint, au IVe siècle, le palais de l’impératrice Hélène, mère de Constantin, au sein duquel elle fera ériger la basilique Sainte-Croix-de-Jérusalem. L’obélisque est retrouvé brisé, dans ce site, près du mur d’Aurélien au XVIe siècle. Urbain VIII Barberini (1623 / 1644) le fait mettre devant son palais en 1632, d’où il est une nouvelle fois déplacé en 1773, Cornelia Barberini trouvant qu’il gênait le passage des carrosses. Pour s’en débarrasser il est offert à Clément XIV Ganganelli (1769 / 1774) qui le fait ériger dans la cour de la Pigna au Vatican. Nouveau déménagement en 1822 par Pie VII Chiaramonti (1800 / 1823) qui le fait transporter et dresser dans les jardins du Pincio par l’architecte Giuseppe Valadier.

 

L'obélisque Aurélien, ou Antinoüs, a une hauteur de 9,24 mètres. Le pyramidion est décoré d’une fleur sur laquelle sont représentées les armes du pape, des montagnes surmontées d’une étoile à huit branches [3]. L'obélisque est gravé d’hiéroglyphes, traduits et publiés en 1917, qui racontent l'histoire d'Antinoüs. Un court passage est consacré à l’emplacement de la tombe d’Antinoüs. Outre les questions de compréhension du texte, ce passage est situé à l’emplacement où l’obélisque s’est brisé et où il fut retaillé pour faciliter son érection en 1822, ce qui donne lieu à des interprétation différentes. Jean-Claude Grenier propose : « L'Osiris Antinoüs, justifié, qui est dans l'au-delà et qui repose dans ce tombeau qui est situé à l'intérieur du jardin du domaine du Prince dans Rome ». 

 

Le tombeau d’Antinoüs ne serait donc pas, comme l’imaginait Marguerite Yourcenar dans son roman, une des cavernes situées à proximité du site de la ville nouvelle d’Antinoë « destinées jadis par les rois d’Égypte à leur servir de puits funéraires », mais les jardins d’Adonis, sur le Monte Palatino, un lieu connu sous l’appellation « la Vigna Barberini » [4].

 


[1] Cette version, généralement présentée, est discutée. Voir conférence de Jean-Claude Grenier. « Religion égyptienne dans les mondes hellénistique et romain ». In « École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses ». 1991.

[2] Marguerite Yourcenar. « Mémoires d’Hadrien ». 1974.

[3] Ces symboles sont représentés sur les armes des papes Alexandre VII Chigi, Clément XI Albani, Clément XIV Ganganelli et Pie VII Chiaramonti.

[4] Jean-Claude Grenier, Filippo Coarelli. « La tombe d'Antinoüs à Rome ». In « Mélanges de l'école française de Rome ». 1986.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur les obélisques de Rome

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