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Notes d'Itinérances
13 mai 2021

Les obélisques de Rome (22/28). 1932 – Foro Italico (n°19).

Viale del Foro Italico - Quartiere Della Vittoria

 

 

Le « Foro Italico » est un vaste complexe sportif construit à partir de 1927, par l’architecte Enrico del Debbio, au pied du Monte Mario, au Nord de Rome. Il a été inauguré en 1932 pour le dixième anniversaire de la prise de pouvoir par les fascistes sous l’appellation, somme toute modeste, de « Foro Mussolini » ! Avec ces installations sportives, l’Italie souhaitait poser sa candidature aux futurs Jeux olympiques d'été prévus en 1940 [1]. L’ensemble du site a été complété par un stade olympique en 1960. Le long du Tibre, les bâtiments de l’académie fasciste d’éducation physique sont un curieux mélange d’architecture fonctionnaliste surchargée de rappels antiques. 

 

Derrière l’académie est situé le stade des marbres, lequel copie façon Hollywood mais en dur et solide et non en carton-pâte, les stades antiques avec gradins de marbre décorés de statues monolithes de 4 mètres de haut symbolisant les différents sports. Enfin, derrière le stade, le palazzo della Farnesina, qui aurait dû devenir la Maison du Parti National Fasciste, étale sa modestie avec une façade de 169 mètres de long et 51 de haut, permettant de développer 1 300 pièces à l’intérieur. Seuls l’aérogare de Tempelhof, le palais du Peuple de Ceausescu et le Pentagone font pire ! Après la guerre, comme pour le ministère de l’Afrique italienne devenu la FAO, la Maison du Parti est attribuée à une autre fonction, le ministère des Affaires étrangères. 

 

L'entrée principale du Forum est située dans le prolongement du ponte Duca d'Aosta lequel est de la même facture que les autres monuments mussoliniens : une arche de béton dissimulée sous du travertin et agrémentée de pylônes avec des sculptures en relief représentant des scènes héroïques de la première Guerre Mondiale. Le tout débouche sur le forum, lui aussi « à l’antique » et donc nécessairement agrémenté d’un obélisque (voir photo). C’était désormais au tour du fascisme d’être frappé par l’obéliscomania, une épidémie qui affecte les puissants.

 

L’obélisque mesure 17 mètres de haut (36 m avec sa base) et a été érigé en 1932. Le monolithe de marbre, de 300 tonnes, extrait des carrières de Carrare et enfermé dans un coffre de bois constitué d’énormes poutres, a été déplacé sur des rondins de bois roulant sur des glissières de bois, comme le faisaient les Romains de l’antiquité. Petite différence toutefois, au lieu d’être tiré par des cabestans actionnés par des hommes, le tout l’a été par 36 paires de bœufs. L’obélisque sera ensuite chargé sur une barge et amené jusqu’à la zone du Ponte Milvio sur le Tibre constituant le dernier grand transport effectué sur le fleuve. L'architecte Costantino Costantini, en charge de l'élévation de l’obélisque, a positionné 16 blocs de marbre pour constituer son piédestal. C’est toutefois un obélisque qui ne fait pas l’effort de présenter quelques hiéroglyphes, vrais ou faux, comme les Romains s’efforçaient de le faire et qui se contente d’une publicité géante en latin « MUSSOLINI DUX » (Mussolini Duce) ! La place du forum est couverte d’une immense mosaïque.

 

 « Elle est un parfait résumé de la propagande et de l’esthétique fasciste, tout en culte du héros et rhétorique antique. Des milliers de tesselles blanches et noires composent des slogans inquiétants, du type ‘Duce, nous t’offrons notre jeunesse’ ou, plus connu, ‘Beaucoup d’ennemis, beaucoup de gloire’, et autres images guerrières et agressives » [2].

 

Tout cela voulait être « grand », ce n’est que prétentieux et ridicule. 

 

« Seul l'ultime néo-classicisme des années fascistes à Rome clôturera l'aventure de faire des obélisques modernes : le résultat pauvre et laid du Forum italique et du quartier de l'Exposition universelle fait mieux apprécier l'intelligence et le goût qui présidèrent pendant trois siècles à la renaissance des antiques » [3].

 

L’obélisque et l’esplanade ont fait l’objet d’une restauration par le comité olympique italien, en 2006, sans toucher aux références fascistes. Faut-il s’en étonner ?

 


[1] Solange Pierrat « Les arènes totalitaires : Hitler, Mussolini et les Jeux du stade ». Académie de Versailles. 2008.

[2] Marco Lodoli. « Iles – Guide vagabond de Rome ». 2005.

[3] Jean-Jacques Gloton. « Les obélisques romains de la Renaissance au néoclassicisme ». In « Mélanges d'archéologie et d'histoire ». Tome 73. 1961

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur les obélisques de Rome

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