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Notes d'Itinérances
21 mai 2021

Les obélisques de Rome (26/28). Cinquante-sept obélisques à Rome ?

Que faut'il considérer comme "obélisque" ?

 

 

Le chiffre est impressionnant mais tout à fait contestable ! Dans ce décompte, je n’ai pas inclus un monument souvent cité, celui en bronze, d’Arnaldo Pomodoro, situé piazzale Pier Luigi Nervi dans le quartier de l’EUR, au prétexte qu’il ne s’agit pas d’une pierre dressée à quatre faces égales même si l’obélisque Marconi est une flèche de béton recouverte de plaques de marbre, et l’obélisque Mediceo est en poudre de marbre et résine synthétique ! 

 

Ce dénombrement est d’autant plus délicat que le motif décoratif de la flèche de pierre, ou de la pyramide allongée, a été largement utilisé dans l’architecture de la fin du XVIe siècle et plus encore à la période baroque [1]. Par exemple, sur la fontaine de Moïse (1586 / 1587) de Domenico Fontana, où le fronton est décoré par deux petites flèches de pierre ajoutées en 1589 (voir photo). Flèches ou obélisques ? Obélisques, car en correspondance avec le thème égyptien de la fontaine.

 

A Rome, le motif décoratif de la flèche de pierre est fréquent sur le fronton des églises, palais ou fontaines, ou ceinturant la base du tambour d’une coupole, ou sur le lanternon d’une coupole. Par exemples, la façade de la Villa Borghese est encadrée de deux petits obélisques, la ligne de toit de Santa Maria dell’Orto (Trastevere) comprend onze flèches de pierre, probablement ajoutées en 1762 (trois de chaque côté au premier étage et cinq plus courts au-dessus du deuxième, soit un total de onze), le belvédère du palais Altemps se termine par quatre petits obélisques. L’objectif des architectes baroques est tout à la fois de souligner la verticalité d’une façade, d’un tambour, d’un lanternon. 

 

Enfin, au fil du temps, l’obélisque est aussi devenu une forme symbolique, celle du lieu de mémoire d’un fait historique, une bataille, la réalisation d’un chantier, une frontière, la fondation d’une ville, un monument aux morts. A Rome le pont Vittorio Emanuele II (1911) est orné de statues allégoriques et de six obélisques trapus, massifs, courts, situés en balustrade au milieu de chacune des arches. Faut-il les ajouter au décompte ? Le motif décoratif de l’obélisque sera également utilisé sur les façades des villas du XIXe siècle (villa Paganini Alberoni par exemple).

 

L’obélisque a joué un rôle-clef dans l’urbanisme romain, comme repère dans la ville et organisateur de l’espace. Au début, il est un repère par rapport à des sites religieux existants, les basiliques Saint-Pierre, Santa Maria Maggiore, San Giovanni in Laterano. Leur lieu d’implantation n’a pas été choisi pour organiser un espace urbain, mais cette implantation va néanmoins contribuer par la suite à organiser cet espace. L’obélisque du Vatican a été placé devant la basilique non terminée, sans que l’on sache exactement où serait située sa façade, dans un espace non construit. Toutefois quand Le Bernin dut imaginer la place Saint-Pierre, devant la basilique, c’est aussi en fonction du positionnement de l’obélisque qu’il dessina son projet. La piazza del Esquilino était elle-même un espace vide au moment de l’implantation de l’obélisque mais le tracé des voies, au XIXe siècle, a pris en compte sa position pour définir des perspectives urbaines. Seuls les obélisques fascistes, Mussolini et Marconi, ont été pensés dans l’élaboration même du plan urbain.

 

L’obélisque est un symbole de pouvoir et de puissance. C’est pour cela que les Romains de l’antiquité les ont érigés dans les stades, les temples et le mausolée d’Auguste. C’est ce symbole que les papes ont ensuite utilisé d’abord pour signaler les lieux de culte (Saint-PierreSanta Maria MaggioreSan Giovanni in Laterano), puis sur des places à la période baroque (Navona, Minerva, Rotonda), et enfin pour souligner des grandes perspectives urbaines au début de la période classique (Quirinale, Trinità dei Monti). Ce sera ensuite la très grande noblesse romaine qui accaparera les obélisques (Borghese, Torlonia). Pour terminer, c’est l’État laïc fasciste qui cherchera à récupérer ce symbole de la grandeur et de la puissance qu’ils représentent (Mussolini, Marconi, via della Conciliazione, et réutilisation de Dogali).

 

L’histoire des obélisques de Rome participe ainsi à révéler celle de la ville.

 

Rome / Senlis, 2015 / 2021.

 


[1] Jean-Jacques Gloton. « Les obélisques romains de la Renaissance au néoclassicisme ». In « Mélanges d'archéologie et d'histoire ». Tome 73. 1961.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur les obélisques de Rome

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