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Notes d'Itinérances
28 juillet 2021

Algérie au coeur (5/42). De la guerre à la décolonisation.

Le rôle du « méchant » dans le scénario

 

 

Les « évènements en Algérie » devenaient de plus en plus difficile à comprendre avec le développement des « opérations de police », la multiplication des attentats, des accrochages et la mort de jeunes appelés du contingent. 

 

« L’Algérie, forçant notre indifférence confortable, est entrée dans notre vie quotidienne, elle s’est installée en manchettes tragiques à la première page de nos journaux, elle est devenue l’étincelle la plus puissante de nos orages parlementaires : il ne peut en être autrement quand chaque jour les facteurs de Charleville, de Périgueux, de Bordeaux, de Cognac, glissent dans la boîte aux lettres familiales le message d’un soldat de l’Aurès, ou de Kabylie, preuve pénible, témoignage irrécusable que la France toute entière est physiquement engagée » [1].

 

Nous nagions parfois en pleine confusion. « Nous », c’est à dire aussi bien les Français « de base » que les censeurs de la presse écrite ou télévisuelle… Par exemple…

 

Des voisins, d’origine hongroise, résistants antinazis, ayant fui leur pays en 56, nous avaient conviés à assister à une pièce de théâtre retransmise à la télévision, laquelle portait sur la libération de l’Amérique du Sud du joug espagnol. Sentimentalement, quasi « naturellement », nous nous sommes situés du côté des opprimés contre la puissance colonisatrice despotique, au nom des grands principes révolutionnaires de notre histoire. La libération de la France n’était pas si loin, une quinzaine d’années seulement ! Ni « nous », téléspectateurs, ni même le censeur officiel, n’avions imaginé que cette pièce pouvait être interprétée comme une charge violente contre la politique française en Algérie ! Il fallut toute la patience et la conviction de nos amis d’origine étrangère pour nous dessiller les yeux et pour comprendre enfin, qu’en Algérie, nous jouions décidément le mauvais rôle dans le scénario. Mais, nous n’avions pas toujours la chance d’avoir l’aide d’un regard étranger pour nous aider à comprendre la situation ! La censure, elle, n’avait rien vu !

 

De confusions en contradictions, nous en venions à penser que si les Algériens voulaient leur liberté et leur indépendance, pourquoi ne pas l’accepter ? Pourquoi continuer une lutte qui ressemblait de plus en plus à une véritable guerre de libération ? Pourquoi se battre pour conserver des privilèges à une minorité de grands colons pieds-noirs ? 

 

Petit à petit, ce sont les mêmes grands principes dont nous nous servions dans les années 50 pour légitimer notre présence en Algérie que nous avons réinterprétés, au début des années 60, pour nous « débarrasser » de la question algérienne. Nous sommes restés du côté des opprimés, le petit peuple, mais nous avions changé l’ennemi. Autrefois, c’étaient les caïds, l’ignorance, la religion, les superstitions, désormais c’est le grand colon qui devint l’oppresseur. Ainsi en avons-nous été quitte avec notre conscience : finalement, tout au long de la « guerre » d’Algérie, nous avions toujours porté les idéaux de la Révolution Française !

 

Aller en Algérie en 79 et 82 n’est donc pas si simple, psychologiquement du moins. Si les relations aériennes ou maritimes fonctionnent bien, si les transports intérieurs sont nombreux et permettent d’accéder à toutes les régions par la route ou le chemin de fer, il n’y a pas si longtemps que la guerre est finie, même pas vingt ans. C’est dire que la majeure partie des personnes que nous rencontrons et côtoyons ont vécu cette période avec les contrôles, les combats, les exactions de l’armée ou de l’O.A.S. Aussi, ne savons-nous pas comment nous serons reçus et nous nous faisons tout petit. Mon épouse, née en Algérie et rapatriée en France en 1962, qui a subi cette période avec les ratonnades et les attentats en représailles, est encore plus inquiète.

 


[1] Michel Clerc. « Le conseil de guerre de l’Elysée répond à la question posée là-bas à nos soldats : Vous passez ou vous restez ? ». Paris-Match. N°361 su 10 mars 1956.

 

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