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Notes d'Itinérances
30 juillet 2021

Algérie au coeur (6/42). Le village de vacances de Tipaza.

Une réalisation de l’architecte français Fernand Pouillon

 

 

Le village de vacances de Tipaza a été construit en 1968 par l’architecte français Fernand Pouillon alors exilé en Algérie. Racheté par le « Club Med », très vite des désaccords sont apparus entre Gilbert Trigano, patron du « Club Med », et les autorités algériennes, notamment sur la politique de promotion du village de vacances. Pour Gilbert Trigano celui-ci devait accueillir des touristes français dans un lieu convivial et protégé comme dans tous les autres villages du club, ce qui constituait alors à la fois leur originalité et la clef de leur succès. L’office du tourisme algérien souhaitait, au contraire, qu’il puisse accueillir également des Algériens et déplorait son isolement complet, véritable camp retranché entouré de grillages dans lequel ne pouvaient pénétrer que les vacanciers et les personnels locaux de service. Faute d’un accord entre les deux parties, le village, comprenant deux entités situées de part et d’autre de la petite ville de Tipaza « Tipaza Matarès » et « Tipaza Villages », est désormais totalement géré par l’office du tourisme algérien, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas d’être toujours entouré de barbelés avec un contrôle sévère des entrées et sorties ! Mais peut-être est-ce parce qu’en 1979 il héberge aussi des communautés d’ouvriers et de spécialistes étrangers travaillant dans l’industrie pétrolière ? Toutefois, si une partie des vacanciers sont des étrangers, Français pour la plupart, une autre partie des résidents sont des touristes algériens.

 

 « Tipaza villages » est composé de petites villas, assemblage d’habitations superposées au flanc d’une presqu’île, posées sur des arcades épousant le rocher et dominant la mer. Elles forment une cascade de cubes blancs, d’une luminosité éblouissante, accrochés au roc de couleur pourpre et surmontés de grands pins vert foncé. Blanc lumineux, flamboiement incandescent, récif vermeil et sombre verdure se mêlent au bleu profond de la mer. Dans les étroites allées qui serpentent entre les maisonnettes croissent des bougainvillées qui font éclater leurs fleurs sanguinolentes sur la blancheur des murs. Le bâtiment collectif central abrite le restaurant, le bar et le salon. Au flanc de la colline qui domine la plage, il affecte la forme d’une citadelle ancienne avec sa porte encadrée de deux tours, son bastion avancé et les galeries de ses murailles fortifiées. A l’intérieur, des ruelles et des passages couverts débouchent sur de petits patios où coule une fontaine bruissante. Derrière la citadelle, un petit amphithéâtre en plein air, inspiré de la Grèce antique, comprend une première couronne de sièges à hauts dossiers de pierre pour les archontes. Il  manifeste, à sa manière, des illusions nées du printemps 68 : démocratie directe, spectacle permanent. L’endroit semble aujourd’hui un peu oublié, des carcasses de transats et de sommiers de lits y sont stockées ou abandonnées. L’illusion post soixante-huitarde, un peu « Peace and Love », est encore manifeste dans l’architecture et l’organisation de la vaste salle à manger aux murs blanchis, aux grandes baies vitrées, avec ses très grandes tablées circulaires qui devaient permettre des échanges conviviaux entre participants.

 

L’autre partie du village de vacances, « Tipaza Matarès », située à l’ouest de Tipaza, présente une architecture plus « organique », aux formes arrondies et mouvantes, manifestement inspirées des villages du M’zab : édifices étroitement imbriqués, massives tours percées de meurtrières étroites, arcades blanches, frais passages couverts et cours intérieures. C’est globalement une architecture agréable mais qui apparaît marquée d’un « exotisme arabisant » comme au début du XXe siècle.

 

« Je me suis adapté à la manière de travailler, c’est-à-dire dans un abandon total de trame, de tout ce qui est linéaire dans la conception. Si vous voulez, j’ai travaillé davantage en sculpteur qu’en architecte » [1].

 


[1] Fernand Pouillon (1912 / 1986) fut un des grands bâtisseurs des années de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale en France. Il intervint également dans de nombreux pays. Architecte et urbaniste, il met aux point des procédés techniques qui permettent d’abaisser les coûts de construction. Arrêté suite à une faillite, il s’échappe et poursuit sa carrière en Algérie. Il est amnistié en 1971 et réintégré à l'ordre des architectes français en 1978. Entre 1953 et 1984, Fernand Pouillon aurait réalisé pas moins de 300 projets en Algérie (2021).

 

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