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Notes d'Itinérances
15 août 2021

Algérie au coeur (14/47). Le Forum d’Alger.

Après les bruits et la fureur, un tranquille jardin public

 

 

Le Forum est un lieu historique, un lieu souvenir, le lieu où se déroulaient toutes les grandes manifestations algéroises, un lieu où s’est joué un morceau de l’histoire de la France. Si ce n’était sa magnifique situation au centre de la baie d’Alger, ce ne serait qu’un banal jardin, un square, descendant en biais, en grandes marches d’escalier, vers la mer, et bordé sur le côté par « l’arrogant édifice à trois ailes du Gouvernement général » [1]. Au milieu du bâtiment, sur le vaste balcon où se sont succédés les Massu, Salan, Lagaillarde et De Gaulle pour faire des discours à des foules en liesse, flotte désormais le drapeau algérien, blanc et vert, frappé de l’étoile et du croissant.

 

Après le coup d’Etat du 13 mai 1958, démarré au forum (pour sa partie « visible » !), le nouveau gouvernement garantit une nouvelle fois aux Français que ce sera le dernier quart d’heure de la guerre en reprenant les promesses les plus éculées et les analyses les plus rebattues. 

 

« Il semble bien, en effet, que le fameux « dernier quart d’heure », dont parlait si souvent Robert Lacoste, soit enfin venu. Tout en donne l’impression : l’échec militaire du F.L.N., le climat de fraternisation qui existe en Afrique du Nord depuis le 13 mai, le découragement des terroristes métropolitains, la rupture des relations diplomatiques entre Tunis et Le Caire.(...) Et cela ne nous étonnerait pas autrement si, quelques jours, le Maroc et la Tunisie rejoignaient, en tant que nations indépendantes, la communauté française » [2]. 

 

Que d’âneries ! Ce journaliste croyait-il vraiment à ce qu’il écrivait ? Si oui, comment pouvait-il avoir de telles « peaux de banane » devant les yeux ? Si non, pourquoi ?

 

Ce seront ensuite les journées des « barricades » d’Alger, en janvier 60, un épisode qui relèverait plutôt du putsch de grand guignol s’il n’y avait pas eu des gendarmes français tirés comme des lapins. La farce tragique devait se terminer avec le pronunciamiento « d’un quarteron de généraux en retraite » [3] le 22 avril 1961. Le 23 avril, Michel Debré, alors Premier Ministre, dans une déclaration radiotélévisée, appelait tous les Parisiens à se rendre « en voiture, à pied » sur les pistes des aérogares pour empêcher les avions des putschistes d’atterrir. Le malheureux « Michou la colère » sera brocardé par les Parisiens narquois qui reprendront le titre d’un film comique « A pied, à cheval et en voiture... » pour se moquer de lui ! 

 

Mais, derrière l’ironie et la satyre, l’inquiétude populaire était grande. Dans le bus de la ligne 154, « Le Bourget - Porte de La Villette » que je prenais alors pour me rendre au lycée, tous les voyageurs ne parlaient que du putsch des généraux. Qu’allait-il se passer ? Les nouvelles, fausses ou vraies, circulaient : « Il parait qu’ils ont installé des batteries de DCA sur l’aérogare... ». La nouvelle était trop excitante pour ne pas essayer de la contrôler. Elle me renvoyait aux récits familiaux des « exploits » de mon oncle qui, adolescent à la Libération, observait les mouvements des chars allemands autour de l’aéroport, pour récupérer le cuivre des obus ! Je connaissais suffisamment les lieux pour approcher à plusieurs endroits des pistes de l’aéroport. Déception : on pouvait s’approcher des limites de l’aéroport sans problème, pas de gardes, pas de sentinelles dans les miradors, pas de mouvements de troupes, seules les pistes étaient barrées sur toute leur longueur par des autobus afin d’empêcher les avions des militaires putschistes d’atterrir.

 

Le putsch devait se dégonfler comme une baudruche, les appelés du contingent refusant de suivre leurs gradés putschistes quand ils ne prenaient pas l’initiative de les arrêter et de les enfermer !

 


[1] Marie Cardinal. « Les Pieds-noirs ».  1994.

[2] Pierre Jeancard. « Dans le courrier du général Salan. Une lettre signée De Gaulle ». Jours de France. N°206 du 25 octobre 1958.

[3] (Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan et André Zeller). Charles De Gaulle. Discours du 23 avril 1961.

 

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