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Notes d'Itinérances
28 septembre 2021

Algérie au coeur (36/42). Oran - Le quartier de Saint-Eugène.

Un quartier récent – Une histoire d’eau

 

 

Le quartier de Saint-Eugène, aujourd’hui inclus dans l’arrondissement de El Makari, est celui dans lequel les parents de mon épouse avaient réussi, à force de privation et de travail, à se construire une petite villa, villa qu’ils retrouvèrent occupés par des algériens à la fin de l’été 62 après être allés « mettre en sécurité » leurs enfants en métropole.

 

Les premières implantations de maisons à Saint-Eugène remontent aux années 1890.

 

En 1953, mes beaux-parents projettent de faire construire une maison dans le cadre d’une coopérative d’habitation des Agents des Chemins de Fer Algériens. Le lotissement est situé dans le quartier de Saint-Eugène sur une partie de l’héritage Lamur, entre les voies Littré au Nord, Gros au Sud, de Heredia à l’Ouest et l’avenue Aboudarem à l’Est. 

 

Le lotissement est composé de 105 lots, le lot acheté étant d’une surface totale de moins de 300 m2. Le terrain, deux fois plus long que large est orienté Ouest / Est. Le permis de construire est délivré le 14 juin 1955 et les constructions sont achevées le 30 mai 1956. Il s’agit d’une villa sur pilotis, érigée en limite de trottoir, de 12 mètres de façade, sise rue du Caporal Chef Hernandez [1], cité Heredia, comprenant un hall, un vestibule d’entrée, une cage d’escalier avec, à l’étage, une cuisine, 4 pièces, une salle de bain et un WC. A l‘arrière, elle comprend un petit jardin avec des légumes, des fleurs et même quelques poules. 

 

C’est un logement modeste mais qui possède toutes les commodités : eau courante, eau chaude et froide, salle de bain, WC, une chambre pour chacun des enfants, mais aussi réfrigérateur, machine à laver et aspirateur[2] ! Pour l’époque, c’est au dessus des moyennes métropolitaines. 

 

La maison n’a pas changé ; le rez-de-chaussée autrefois constitué de pilotis sur lesquels avait été construite l’habitation, a été fermé et aménagé. L’ensemble est bien entretenu et la façade repeinte. Nous faisons ensuite, le tour du quartier pour retrouver les lieux où habitaient oncles et tantes. En cours de route, mon épouse me signale de petits faits d’histoires familiale : « Les volets de cette maison, c’est mon père qui les avait fait... ». Puis, nous allons au marché du quartier qui a conservé son mur ocre percé de claustras. S’il affiche toujours au-dessus de son portail de fer « MARCHE DE St EUGENE » en lettres majuscules, l’horloge de la façade, par contre, a disparu.

 

Longtemps la ville d’Oran a été alimentée en eau potable par la grande sebkha d’Oran, une dépression située entre la barrière montagneuse côtière de M’Sila et la chaîne des Monts du Tessala où se déversaient les oueds. L’eau de la grande sebkha avait la particularité d’être salée du fait de la très forte insolation. Mais la rapide progression démographique de la ville impliquait de rechercher de nouvelles ressources en eau car, dans les années 40, l’eau avait dû être rationnée avec tous les problèmes que cela pose : stockage de l’eau, différences de pressions dans les conduites. Le barrage de Béni Bahdel, au Sud-est de Tlemcen, de 1939, jusqu’alors utilisé pour l’irrigation de la plaine de Marnia, sera surélevé afin d’assurer la consommation  en eau d’Oran. Restait encore à poser la canalisation de 170 km jusqu’à Oran et, le 16 juillet 1952, l’eau douce arrivait enfin dans les quartiers périphériques d’Oran : Gambetta, Eckmühl, Saint-Eugène [3]. Le dimanche 19 toute la ville était desservie donnant lieu à une anisette géante ! Quand la région a été alimentée en eau douce, les vieux oranais ont pris l’habitude de rajouter quelques grains de sel dans leur café celui-ci ayant brutalement perdu de sa saveur !

 


[1] Actuellement rue des Frères Sam Bouafia (2017).

[2] Taux d’équipement des logements en métropole, en 1954, pour ces biens : 7,5%, 8,4% et 14%.

[3] Les mêmes causes ayant les mêmes effets, le « couloir d'alimentation en eau potable Mostaganem-Arzew-Oran » (projet MAO), initié en 2007 à partir du barrage du Cheliff, alimente désormais ces villes ainsi que la partie Est de la wilaya d'Oran (2017).

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