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Notes d'Itinérances
14 octobre 2021

La traversée de Rome par le Corso (2/26). La Porta del Popolo - Rione Campo Marzio.

La via Flaminia - L’entrée triomphale de la reine Christine de Suède

 

 

Les incursions des barbares (c'est-à-dire pour les Romains de l’antiquité, tous les « non-romains » : les Gaulois, les Cimbres, les Teutons, les Francs, les Alamans, les Burgondes, les Vandales, les Suèves, les Alains, les Goths, les Wisigoths et autres Ostrogoths etc.) dans l’Empire devenaient de plus en plus fréquentes. Elles allaient parfois jusqu’en Italie du Nord, sous Gallien (260 / 268), Claude le Gothique (268 / 270). Au début du règne d’Aurélien (270 / 275), elles faisaient même craindre une attaque sur la capitale. Les travaux d’érection d’une nouvelle enceinte fortifiée de la ville commencèrent vers 272 et durèrent onze ans, sous l’autorité de plusieurs empereurs successifs compte-tenu des très courtes périodes de règne car les empereurs mouraient de plus en plus rarement de vieillesse (Aurélien assassiné en 275, Tacite en 276, Florien en 276, Probus en 282, Carus en 283, Numérien en 284…) !

 

Le tracé de l’enceinte dite d’Aurélien est étrange, très irrégulier, avec des saillants importants. C’est que son pourtour coïncide avec le développement de l’agglomération romaine en dehors de l’enceinte précédente de Servien (IVe siècle av. J.C) et qu’il tient compte aussi d’un certain nombre de points d’appui comme, au Nord, la colline du Pincio qu’il intègre. Au total, c’est une muraille de 19 kilomètres de long et de 10 mètres de haut, percée de 17 ou 18 portes flanquées de deux tours semi-circulaires, et comprenant une tour quadrangulaire tous les vingt pas (30 mètres environ).

 

La porte, monumentale, ouvrant sur la piazza del Popolo fut reconstruite entre 1562 et 1565 par Nani di Baccio Bigio à la demande de Pie IV Médicis (1559 / 1565) en remplacement de la porte romaine, la porta Flaminia, et en s’inspirant de l’Arc de Titus (photo). La porta Flaminia romaine était très dégradée, le sol s’étant notamment exaucé de 1,5 m par suite des débordements du Tibre et des terres dévalant du Pincio. La nouvelle porte ne comportait qu’une ouverture centrale et les deux tours rondes qui l’encadraient ont été remplacées par deux puissantes tours carrées.

 

La façade intérieure de la porte est une œuvre du Bernin, réalisée en 1655 à l’occasion de la venue du « roi » [1] Christine de Suède (1626 / 1689). Il était en effet de tradition de dresser des portes et des arcs monumentaux lors des visites des puissants même si, le plus souvent, ces arcs de triomphe n’étaient composés que d’une armature de bois recouverte de toile peinte, imitant la pierre ou le marbre, avec des adjonctions de stuc pour figurer chapiteaux et statues. Les premiers arcs construits pour durer apparaissent à la fin du XVIIe siècle, comme la porte Saint-Denis à Paris (1672), une porte chargée d’exalter les victoires de Louis XIV sur le Rhin. Le pape Alexandre VII Chigi (1655 / 1667) organisa donc une réception fastueuse à l’occasion de laquelle il a notamment commandé au Bernin un « habillage » intérieur de la porta del Popolo. Le Bernin ne semble pas y avoir apporté beaucoup d’attention, ou manquait-il de temps ? C’est une œuvre de « circonstance » et elle apparaît assez quelconque. Elle comprend des doubles pilastres qui encadrent l’arche centrale, surmontée d’un fronton brisé où s’inscrit un cartouche aux armes des Chigi, une montagne à six sommets, surmontée d’une étoile à huit rayons. C’est que la venue de l’ex « roi » de Suède à Rome n’était pas une mince affaire pour le pape !

 

La jeune reine de 28 ans avait abdiqué l’année précédente au grand soulagement du clergé réformé vu ses mœurs considérées comme légères, mais aussi du peuple et de l’armée qui s’inquiétaient de la dilapidation du trésor royal. Elle partit à l’étranger à la tête de dix navires qui emportaient ses meubles, ses tapisseries, ses tableaux, ses huit milles manuscrits hébreux, grecs et arabes ainsi que les marbres, les joyaux les pièces d’or et d’argent qui constituaient sa fortune ; le Sénat du royaume s’étant engagé en sus à payer ses dettes qui s’élevaient à dix millions d’écus ! Après de longues pérégrinations à travers l'Europe, où elle gagna le surnom de « reine ambulante », elle se convertit au catholicisme et se rendit à Rome en grand équipage où elle fut accueillie le 20 décembre 1655. Accueillir l’ex « roi » de Suède, ancienne brebis égarée de l’église réformée, récemment convertie à la « vraie foi », c’était gagner une bataille dans la guerre avec la contre-réforme. Par ailleurs la reine Christine avait la réputation d’aimer les arts. 

 

Les deux ouvertures latérales furent créées en 1887 après la démolition des tours en 1879.

 


[1] Son titre était « Roi de Suède » afin de lui permettre de monter sur le trône en 1632.

 

Liste des promenades dans Rome - Liste des articles sur la traversée de Rome par le Corso

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