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Notes d'Itinérances
15 novembre 2021

La traversée de Rome par le Corso (18/26). Palazzo de Carolis et la fontaine du Facchino - Rione Pigna.

La chute pour avoir vu trop grand

 

 

A droite, le n°307 est occupé par le palais De Carolis, construit, entre 1714 et 1724, pour le riche marchand Livio De Carolis de Profi, sur un dessin d'Alessandro Specchi. De Carolis, nouvellement ennobli, avait vu grand, très grand, espérant obtenir du pape des charges publiques qui lui permettraient de soutenir son train de vie. N’ayant rien obtenu, les héritiers, endettés jusqu’au cou, durent vendre aux enchères le palais. Racheté en 1750 par la Compagnie de Jésus, celle-ci loua l'édifice à des nobles et à des cardinaux. En 1830 les Boncompagni-Ludovisi firent restaurer le complexe. Le palais hébergea un moment l'ambassade de France et Chateaubriand y séjourna. 

 

En 1908, le palais fut racheté par la Banco di Roma qui fit rénover le bâtiment : la cour fut transformée en hall pour accueillir le public et les écuries en bureaux. La façade de la Via del Corso comprend quatre étages plus un grenier, présentant chacun dix-neuf fenêtres, séparant au centre, par des pilastres, un corps central de cinq fenêtres [1]. Au rez-de-chaussée, quatre colonnes doriques soutiennent le balcon de l'étage noble et encadrent le portail, surmonté d'une tête de femme. L’étage noble (piano nobile) comprend 19 fenêtres dont trois portes fenêtres correspondant au balcon ; leurs tympans sont incurvés et celui du centre porte les armoiries de la Banca di Roma. Au deuxième étage, les fenêtres ont des tympans triangulaires décorés d’un coquillage et, au troisième étage, les fenêtres sont simplement encadrées. La façade se termine par une corniche à rosaces et têtes de lion soutenues par des corbeaux entre lesquels ont été placés des éléments héraldiques des Boncompagni Ludovisi. Le grenier, en surplomb, dispose de simples portes fenêtres avec balcons. A l’intérieur, le palais comprend un escalier « à limace », hélicoïdal et ovale, copie de celui du célèbre escalier de Borromini pour le palais Barberini.

 

Sur le côté gauche du Palazzo De Carolis, via Lata, la Fontana del Facchino (photo) est située à quelques mètres du trottoir du Corso. La statue qui décore la petite fontaine représente un porteur d’eau avec son petit tonneau, un « acquarolo », un vendeur d’eau lequel allait dans les quartiers de la ville distribuer l’eau des fontaines publiques encore trop rares [2]. La tradition veut que la statue ait été réalisée par le grand Michel-Ange lui-même ! Mais on ne prête qu’aux riches, de fait elle aurait été exécutée en 1580 par Jacopo del Conte pour la corporation des porteurs d'eau. Curieuse attribution car Jacopo del Conte est connu comme étant un peintre maniériste ! Autrefois placée en façade du palais, via del Corso, elle a été déplacée via Lata en 1872, peut-être parce qu’elle gênait la circulation. 

 

Le Facchino est l'une des six statues parlantes, les membres de la Congregazione degli Arguti (« la confrérie des spirituels »). Au XVIe siècle une première statue romaine, Pasquino, s’est mise « à parler » sous la forme de courts poèmes satiriques écrits en latin ou en romanesco (dialecte romain) suspendus à son cou, une « pasquinata » (pasquinade), à savoir un pamphlet anonyme en vers ou en prose [3]. Le Facchino est la seule statue qui ne soit pas antique, mais je n’ai trouvé aucune pasquinade susceptible d’être attribuée à Facchino. Il ne devait donc pas être très bavard ?

 

Deux autres traditions se rapportent à la statue, la première qui voit dans ce buste un portrait de Martin Luther, vraisemblablement à cause de son curieux chapeau. Martin Luther dans le centre historique et mondial du catholicisme, ce n’est pas banal ! Gageons qu’il s’agit plutôt d’une remarque frondeuse et irrévérencieuse du peuple romain. Seconde tradition, de la même veine, la statue représenterait Abbondio Rizzio un célèbre porteur d’eau pour sa consommation… de vin ! En 1859, une inscription latine aurait été attachée à la fontaine et aurait proclamé : « Pour Abbondio Rizio, porteur sur le trottoir public, vaillant aux charges légères. Portant du poids quand il voulait, a vécu comme il a pu ; mais un jour, portant un baril de vin sur son épaule et un autre dans le corps, contre sa volonté il mourut ». 

 


[1] Rita Dietrich. « Palazzo de Carolis : ascesa e caduta di una ricca famiglia borghese ». In « L'Osservatore Romano ». 23/02/2005.

[2] Sovrintendenza capitolina ai Beni Culturali. « La Fontana del Facchino ». 

[3] Cristina Giovannini. « Pasquino e le statue parlanti ». 1997.

Caroline Michel d’Annovile. « Les statues parlantes ». École Française de Rome. 05/07/2010 et 18-19/03/2011.

 

Liste des promenades dans Rome - Liste des articles sur la traversée de Rome par le Corso

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