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Notes d'Itinérances
29 novembre 2021

La traversée de Rome par le Corso (25/26). Le Vittoriano, un monstre incontournable ! - Rione Campitelli.

Lequel du Sacré-Cœur et du Vittoriano est le plus laid ?

 

 

« …enfin il débouchait devant l’affreux monument à Victor-Emmanuel ; il lui semblait aussi gros qu’un surmoiil devait le contourner par la place du Capitole pour éviter l’affrontement » [1].

 

Le Vittoriano commémore le souvenir de Vittorio Emanuele II, roi de Piémont Sardaigne, artisan de l'unité italienne. Le monument est inspiré du grand autel de Zeus à Pergame (nord de Smyrne), découvert en 1871. Il démontre qu’il ne suffit pas de copier les bâtiments antiques pour créer des monuments harmonieux (photo). Les Romains, avec leur esprit d’impertinence, l’appellent « La machine à écrire » par sa forme qui rappelle celle des machines du début du XXe siècle, mais aussi « Le dentier » avec sa forme arrondie et les seize colonnes comme autant de dents, ou « La pièce montée » par sa couleur blanche de pâtisserie, « Le fer à repasser » enfin à cause de sa masse énorme qui écrase tout. 

 

Le Vittoriano est un monument aussi incontournable à Rome que le Sacré-Cœur à Paris avec lequel, outre leur laideur commune, il ne manque pas de ressemblances. La construction en calcaire blanc qui fait contraste dans un paysage à dominante ocre rouge (terra brusciata) à Rome, et gris bleu à Paris. D’une taille colossale : le Vittoriano à 81 m de haut avec un portique de 72 mètres de long ; le Sacré-Cœur à 83 m de haut pour une largeur de 50. Enfin, ils ont été construits pour affirmer une domination et une revanche : un nouvel État qui fait de Rome sa capitale contre la papauté ; à contrario, à Paris, la puissance de l’église catholique contre « les Communards » de 1871 ! Un escalier monumental, encadré par deux groupes en bronze doré représentant la Pensée et l'Action, permet d'accéder à « l'Autel de la Patrie » lui-même dominé par la statue équestre du roi Vittorio Emanuele II [2]. Derrière, l’imposant portique est surmonté, à chaque extrémité, de quadriges en bronze portant des statues de la Victoire ailée. La taille du monument, comme sa situation, ne sont pas dus au hasard : il s’agissait d’affirmer la puissance du nouvel État italien face à celle de la papauté. Quand les troupes royales investissent Rome, le 20 septembre 1870, Pie IX Ferreti (1846 / 1878) se réfugie au Vatican. Il refuse de reconnaître Rome comme capitale du nouvel État et adjure les Romains de ne pas collaborer avec le gouvernement italien. La puissance du Vatican est illustrée par la coupole de la basilique Saint-Pierre qui domine la ville, car il était défendu de construire des édifices plus hauts.

 

« Ce qui achève de donner à Rome son caractère, ce qui fait qu’elle est elle-même l’emblème permanent du catholicisme, le voici : au-dessus des ruines, des basiliques, des mosaïques, au-dessus de l’Antiquité et du Moyen-âge, la coupole de Saint-Pierre s’élève comme la domination visible de la papauté » [3].

 

Entre la papauté et le nouvel État italien, commence une « guérilla urbanistique » : les bâtiments pontificaux sont nationalisés pour y installer les administrations de l’État italien, de nouveaux bâtiments sont construits face aux églises, au bout de grandes perspectives, ou autour du Vatican pour le masquer (palais de justice, tribunal civil, Académie des sciences, caserne dans le nouveau quartier de Prati qui entoure le Vatican). Dans ce quartier, aucune des voies ne converge vers la basilique, mais toutes vers la place du Risorgimento [4] ! Les noms des rues, comme des ponts, portent les noms de personnages qui ont contribué à l’avènement du nouvel État italien contre les États pontificaux : Cavour, Vittorio Emanuele, Mazzini, Garibaldi, Cola di Rienzo. Dans cette stratégie de prise de possession de la ville, le Vittoriano joue son rôle : par sa monumentalité il fait contrepoint à Saint-Pierre, d’autant qu’il est situé à l’autre extrémité de la voie qui traverse le cœur de Rome, le Corso. Il surplombe et tourne le dos au palais du Sénateur (le Capitole) où siégeait la municipalité alors dirigée par la noblesse catholique ! Si le message politique est clair, le message architectural n’est pas esthétique pour autant. La guéguerre se terminera en 1929 avec les Accords du Latran. Le pape admet enfin qu’il n’est plus une puissance séculière et que son « État » se limite aux 44 ha la cité du Vatican.

 


[1] Philippe Artières. « Vie et mort de Paul Gény ». 2013.

[2] A son inauguration, des banquets d’une vingtaine de personnes étaient organisés dans le corps du cheval !

[3] Edgard Quinet. « Allemagne et Italie ». 1839.

[4] Risorgimento : résurgence, pour faire référence à la construction de l’unité italienne.

 

 Liste des promenades dans Rome - liste des articles sur la traversée de Rome par le Corso

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