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Notes d'Itinérances
10 février 2024

Sant'Angelo - Autour du ghetto (9/18). Le ghetto et la gastronomie romaine.

Menaces sur les artichauts à la juive ?

 

 

L’ancien ghetto est devenu un lieu consacré à la gastronomie, notamment à celle de la communauté juive romaine. Ses recettes de cuisine, comme celles de la cuisine romaine, sont liées aux produits saisonniers et aux fêtes religieuses. Dans les restaurants du quartier, vous seront notamment proposés les très célèbres « Carciofi alla Giudia » (les artichauts à la juive, photo), des artichauts dont on a coupé les parties les plus dures et qui sont frits, tête en bas, dans une poêle, ou le « fritto misto con baccalà », des beignets de légumes à la morue salée, ou des « fiori di Zucca », des fleurs de courgette en beignets farcies à la mozzarella et aux anchois, le « polpettone di tonno », un pain de thon… 

 

Si l’on en croit les bruissements du Net, les Carciofi alla Giudia ont eu chaud et pas seulement à cause de la friture. 

 

L'artichaut romain (carciofo romanesco) est sans épine, avec des feuilles ayant une coloration verte/violette. Leur petite taille sphérique permet de les faire frire, tête en bas, dans une poêle. Mais voilà, en 2018, le Grand Rabbinat d'Israël les a déclarés non casher [1] ! Le fait de faire frire les artichauts entiers ne permettrait pas de les nettoyer correctement selon les critères de la loi juive : « Le cœur de l'artichaut est plein de vers (qui ne sont donc pas kasher) et il n'y a pas moyen de le nettoyer » [2]. Derrière cette fatwa ayatollesque se cacherait-il une banale histoire de concurrence commerciale ? Quoi qu’il en soit, cette situation digne du père Ubu dans laquelle des générations de Juifs romains auraient consommé des aliments non casher, ne semble pas avoir eu de conséquence pratique dans les restaurants du ghetto de Rome. « Nous sommes le peuple de l'artichaut, pas seulement le peuple de l'Holocauste », aurait déclaré, avec un grand sens de l’humour juif, le grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni.

 

A l’entrée du ghetto, non loin du portique d’Octavie, autrefois l'endroit du marché aux poissons de la ville, et dans lequel fut créée l'église de Saint-Ange de la Poissonnerie, une des adresses les plus connue est celle de la Trattoria Giggetto (21/22, Via del Portico d’Ottavia).

 

Mais on peut aussi déguster ces spécialités de la cuisine juive romaine dans les autres restaurants du ghetto ainsi que toutes celles de la cuisine romaine constituées généralement de plats simples, populaires, dans lesquels les abats sont fréquents, comme la « Coda alla Vaccinera » (queue de bœuf à la tomate) ou les « Trippa alla Romana » (tripes à romaine, à la sauce tomate et au pecorino), une des grandes spécialités locales. Autres spécialités, la « saltimbocca alla romana », des escalopes de veau servies en roulade avec une fine tranche de jambon cru, relevées de vin blanc et assaisonnées de sauge, ou encore les « Tonarelli cacio e pepe » (spaghettis épais, au fromage et au poivre), les « rigatoni con pajata » (rigatoni aux tripes) et le « Pecorino Romano », un fromage à pâte dure.

 

Autres adresses où vous pourrez découvrir la cuisine locale au cœur du ghetto romain : « Al Pompiere » (38, Via di Santa Maria del Calderari), dans le cadre agréable et majestueux d’un ancien palais, celui des Cenci auquel s’attachent des souvenirs terrifiants, où vous retrouverez toutes ces spécialités avec, en sus, un service stylé. Ou encore « Catinari » (16, Via di Santa Maria del Pianto). Traditionnellement, les principaux plats de la cuisine romaine sont associés à une date de la semaine. C’est ainsi que les gnocchi sont généralement proposés le jeudi (panneaux dans les restaurants annonçant « Gnocchi del Giovedì » Gnocchi du jeudi) ; le vendredi, c’est poisson notamment la morue (baccalà) et le samedi les tripes (Trippa).

 

Le tout étant arrosé d’un vin généralement blanc du Lazio (la région de Rome), en particulier des collines de Frascati, au sud-est de Rome.

 


[1] La nourriture casher doit être conforme aux prescriptions religieuses du judaïsme. Pour la viande, il convient d’éliminer le sang de l’animal qui reste après l'abattage, c’est pourquoi les animaux sont saignés. Sont non-casher : les mammifères qui ne ruminent pas et n’ont pas le sabot fendu (porc, lapin), les poissons sans écailles ni nageoires (esturgeon, raie, anguille), les crustacés et fruits de mer, les insectes et rongeurs…

[2] Dépêche AFD du 06/04/2018.

Claudine Douillet. « Cuisine juive : Rome et les artichauts de la colère ». Alliance. 08/04/2018.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Sant'Angelo et le ghetto

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