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Notes d'Itinérances
3 février 2022

Emilie - Romagne (2/28). Bologne la Rouge.

Rouge brique et Rouge révolutionnaire

 

 

« Elle (Bologne) est toute bâtie comme Padoue, à portiques sous lesquels les gens de pied vont à couvert. Mais au lieu des infâmes porches qui sont à Padoue, ici ce sont de larges et longues rues, bordées des deux côtés de portiques voutés, d’un bel exhaussement, soutenus, à perte de vue, par des colonnes de toutes sortes d’ordre et par des pilastres carrés » [1].

 

Les portiques de Bologne, un réseau d'arcades bordant les rues du centre historique de la ville, ont été inscrits au Patrimoine mondial de l'Unesco en 2021. Édifiés à partir du XIIe siècle, ils s'étendent sur 62 kilomètres dans la cité médiévale, dont 42 en son cœur.

 

La construction des portiques s’étend sur plusieurs siècles et rend compte des évolutions architecturales et urbanistiques de la ville. Trois catégories principales de matériaux de construction : le bois, la brique et secondairement la pierre, et enfin le béton armé. Les portiques en bois sont les premières formes de passages couverts nées à Bologne. La première trace remonte à 1041, une petite maison donnant sur la Strada Maggiore. Les portiques de Bologne n’ont pas pour rôle « d’habiller » solennellement une façade d’un monument ou d’une maison, mais tout simplement de répondre à des besoins de logement compte-tenu de la pression démographique aux XIIe et XIIIe siècles. Ces constructions, empiétant le plus souvent sur l’espace public au détriment des voies de circulation, sont régularisées dans les Statuts municipaux de 1288, et même déclarées obligatoires ! Et, si le portique est destiné à un usage public pour le passage, il est cependant considéré́ comme une propriété́ privée, comme les volumes situés au-dessus et en dessous du portique. La série de portiques de Bologne représente le catalogue le plus complet et le plus varié d’éléments à portiques au monde [2].

 

La couleur dominante à Bologne est le rouge parce qu’à l’époque de la construction du centre-ville les matériaux utilisés, briques et tuiles, sont faits de terre cuite au four donnant cette teinte rouge / ocre. C’est, bien évidemment, le matériau le plus simple à obtenir et le moins couteux dans cette grande plaine alluviale. Mais Bologne est aussi surnommée « La Rouge » pour son histoire dans la Résistance et son passé communiste. Le monument « aux morts de la Résistance pour la Liberté et la Justice, pour l’Honneur et l’Indépendance de la Patrie », situé sur la place Neptune, composé de deux mille photos de disparus, le rappelle (photo). Ce monument est né à l'initiative des habitants qui, dès le lendemain de la Libération de Bologne, sont venus déposer des fleurs, des cartes saintes, des photos, au pied du mur du Palazzo d'Accursio (un coin du palais communal, baptisé avec mépris « buvette ») où avaient lieu les exécutions des partisans et antifascistes par les Allemands et les Brigades Noires.

 

Bologne a été dirigée, dès 1945, par le Parti communiste associé au Parti socialiste pendant 54 ans jusqu’au 30 juin 1999 date de l'élection d'un maire pro-Berlusconi [3]. C’était alors un laboratoire expérimental face aux problèmes urbains contemporains. Les intérêts principaux de l'expérience bolognaise étaient la tentative de maintien des populations fragiles et ouvrières en centre-ville, et la mise en place de « Consigli di quartiere » (Conseils de quartier) qui avaient pour objectif de permettre à chaque habitant de participer à la gestion et au développement de son quartier [4].

 

Dans les années 1970, une série d’actions violentes en Italie mettent en œuvre une stratégie de la tension afin d’affaiblir la démocratie italienne, des années qui sont appelées « les années de plomb ». C’est la réputation de Bologne, ville rouge, qui conduit à y commettre un attentat le 2 août 1980, à 10 h 25. L’explosion d’une bombe dans la salle d’attente de la gare de Bologne fait plus de 200 blessés et 85 morts. Plusieurs tentatives d’égarer les enquêteurs sur de fausses pistes (les groupuscules de gauche, les Palestiniens…) sont entreprises par des membres de la hiérarchie des services secrets militaires. Si les exécutants, des membres de groupes néo-fascistes, sont finalement condamnés, un procès est toujours en cours, en 2021, pour tenter de connaître et de cerner le rôle des « commanditaires », nationaux et internationaux (loge P2, réseau Gladio) !

 


[1] Président De Brosse. « Lettres d’Italie ». 1740.

[2] UNESCO. « Les portiques de Bologne ». Liste du patrimoine mondial de l’Humanité. 2021.

[3] Depuis, la ville est gérée par le centre gauche.

[4] Laboratoire urbanisme insurrectionnel. « Bologne "la rouge" : mythes et réalités ». 2011.

 

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