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Notes d'Itinérances
1 mars 2022

Emilie - Romagne (15/28). Ferrare et Girolamo Savonarole !

Une figure très contestée

 

 

Un second monument, de taille pourtant modeste, attire néanmoins l’attention à côté de la massive forteresse des ducs d’Este, la statue de Girolamo Savonarole (1452 / 1498) ! 

 

La sculpture, qui date de 1867, représente le moine en habit de bure, debout sur le tas de bois sur lequel il sera finalement brûlé, avec les bras levés et l’expression farouche du prédicateur inflexible (photo). Il ne semble pas qu’il ait laissé un mauvais souvenir de sa jeunesse à Ferrare, sinon déjà un penchant moralisateur et le mépris de la Curie romaine qu’il décrit comme une « putain fière et menteuse ». Compte-tenu des mœurs de la cour papale de cette époque qui pourrait lui donner tort ? Il a même plutôt du mérite à précéder de plus de quarante ans les critiques d’un Martin Luther (1517). En 1475, il s’enfuit de Ferrare et entre au couvent de l’ordre mendiant des Dominicains, à Bologne, où il occupe d’abord les fonctions de tailleur et de jardinier avant de prendre l’habit en 1476. L’ordre l’envoie à Florence en 1482 et c’est là qu’il va donner sa pleine mesure à partir des années 90… grâce notamment aux Français ! 

 

A Florence, il devient vite célèbre auprès du peuple en dénonçant les vices et la corruption des puissants, des Médicis, des nobles, du pape, des prélats, leur recherche du profit, du luxe, de la gloire. Avec les guerres d’Italie déclenchées par les prétentions de Charles VIII sur le royaume de Naples, les Médicis sont renversés. Savonarole rencontre le roi de France et négocie avec lui les conditions de la paix en évitant le sac de la ville. Le roi de France laisse les Florentins libres de choisir leur mode de gouvernement. Savonarole dirige alors la cité en instituant un régime théocratique, une « République chrétienne et religieuse » ! Il modifie le système d’imposition, abolit la torture, renforce les lois contre l'usure, établit une cour d’appel et un système de secours aux pauvres. 

 

Mais la lutte continue contre « les Vanités » envoie sur de vastes buchers miroirs, cosmétiques, jeux de cartes, habits ornés, instruments de musique, livres non religieux, peintures dont les œuvres de Botticelli que l’artiste mettra lui-même au feu ! Dans les régimes totalitaires, la volonté de puissance et le sentiment de la réussite engagent un processus de boule de neige qui ne s’arrête qu’avec l’épuisement des populations. En 1497, une révolte des Florentins aboutit finalement à l’arrestation de Savonarole, sa condamnation pour hérésie et son exécution l’année suivante.

 

Le souvenir laissé par Savonarole est ambivalent [1]. Au lendemain de son exécution il semble que de nombreux Ferrarais aient boycotté les Dominicains présents dans la ville, désertant leurs églises et réduisant les aumônes pour leurs couvents, en signe de protestation car ils les auraient considérés comme complices de la sentence, En 1867, près de quatre cent ans après le décès de Savonarole, un comité est constitué à Ferrare pour honorer la mémoire du prédicateur dont la figure symbolique a fait un retour avec le climat anti-papal et la lutte pour le Risorgimento. Un concours national est lancé pour l’érection d’une statue en marbre de Carrare, le lauréat étant choisi parmi dix candidats par les professeurs de l'Académie Royale Albertine des Beaux-Arts de Turin. C’est Stefano Galetti (1832 / 1905) qui est choisi avec le jugement suivant : « La figure de Savonarole rend pleinement le caractère de l’insigne martyr italien. Le mouvement est noble, sévère, plein de vie ; le caractère représenté peut y être vu avec une expression évidente. La composition de la base (socle) sur laquelle repose la statue est nouvelle et appropriée qui représente une image historique du bûcher sur lequel cette gloire a été condamnée à souffrir le martyre » [2].

 

A contrario, à Paris, le peintre ferrarais Giovanni Boldini [3] (1842 / 1931) s'insurge contre l’érection de la statue : « Il aurait fallu une bombe pour démolir la statue qui se dresse sur la place du château ! », rappelant que Savonarole, que les Ferrarais s'honorent d'avoir pour compatriote, fit démolir les plus belles œuvres d'art de la Toscane !

 


[1] Pierre Jodogne. « Jérôme Savonarole dans le jugement de ses contemporains ». In « Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques », tome 9, n°7-12, 1998.

[2] Ministero della Cultura. « Interventi di manutenzione, protezione e restauro di beni culturali pubblici - Statua di Girolamo Savonarola - Ferrara ». 2021.

[3] Giovanni Boldini est notamment connu pour un très célèbre portrait de Verdi (1886).

 

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