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Notes d'Itinérances
23 février 2022

Emilie - Romagne (12/28). Delta du Pô - Ferrare.

Une zone d’aménagements pluriséculaires

 

 

Le delta du Pô a connu une occupation humaine pendant des millénaires et il conserve des traces de ces civilisations anciennes. La plupart des deltas des autres grands fleuves du monde présentent des états où la nature domine, la présence de l'homme n'étant que secondaire et fluctuante. Dans le territoire de Ferrare se sont au contraire développées et succédées des civilisations dont l'action a été complémentaire et qui, confrontées à cette nature lagunaire, ont très tôt développé́ des techniques hydrauliques et des ouvrages architecturaux particuliers [1].

 

A la fin du premier millénaire, la zone de Comacchio est devenue un grand producteur de sel. Stoppée dans son expansion par les Vénitiens, la cité invente les « lavorieri », des bordigues [2] qui permettent un développement important de la pêche et en particulier celle des anguilles. Dans le même temps s'implante le monastère de Pomposa qui contribue à l'assainissement des terres environnantes. En 1152, à la suite de pluies abondantes, le Pô rompt sa rive gauche à Ficarolo, à une trentaine de kilomètres en amont de Ferrare, créant un nouveau cours du fleuve qui passe plusieurs kilomètres au nord de la ville, le Pô di Goro (photo). Plus court pour atteindre la mer celui-ci a une pente plus forte et donc une vitesse plus importante. Les anciens lits du fleuve, Pô di Primaro et le Pô di Volano, ont des débits plus faibles, des vitesses moins grandes, entraînant des dépôts sédimentaires plus élevés. Après le détournement du Pô di Goro vers le sud, par les Vénitiens, à Porto Viro, en 1604, les anciennes branches du Volano et du Primaro, sont progressivement réduites à un canal régularisé. 

 

Du XIVe au XVIe siècles, les Este développent l'agriculture en augmentant les surfaces cultivables grâce à des travaux d’assainissement inspirés des études de Léonard de Vinci (1452 / 1519). Ces travaux concernent le drainage d’immenses bandes de terres marécageuses, l’ouverture de nouvelles voies d’eau, la déviation des torrents descendant des Apennins. Ces différentes interventions créent un nouveau paysage agricole toujours reconnaissable dans le plan de la région.  

 

A la fin du XVIe siècle, la papauté prend possession de l'ancien duché́. Les améliorations agricoles s’y poursuivent avec l'invention de la rotation des cultures. Les travaux constants d’aménagement des différentes branches du Pô et de ses affluents conduisent à une augmentation des quantités de sédiments déversées dans la lagune de Venise participant à envaser les passes d’entrée. Pour l’éviter, les Vénitiens dévient vers le sud le cours principal du fleuve en creusant un canal de sept kilométrés à Porto Viro. Il semble que ces travaux nécessitent aussi en amont de nouvelles réalisations hydrauliques. Cette politique de conquête du sol s’est poursuivie jusqu'au milieu du XXe siècle grâce notamment à l’utilisation des pompes hydrauliques électriques capables de relever des volumes d’eau importants. Le Pô coule désormais plus haut que les campagnes qu’il traverse, enfermé par des digues imposantes. Il s’agit aujourd’hui d’un des problèmes majeurs pour la gestion hydrographique d’un fleuve qui concentre les débits de ses affluents alors que, dans son delta, la largeur de son lit entre ses digues s'avère inférieure à celle de la partie du fleuve située en amont [3].

 

La bonification continue des terres et la gestion des eaux ont conduit à la création de vastes zones céréalières. La diversification des productions agricoles participe à développer de nouvelles cultures, fruitières (premier producteur italien de pêches et de poires production dde pommes, abricots, prunes et cerises), légumières (parmi les premiers en Italie et en Europe pour la production de salades, de fenouil, tomates, laitues, navets, radis, carottes, pommes de terre, courgettes, citrouilles, poivrons, concombres) et la production de betteraves à sucre. Cette richesse de la production agricole a participé au développement dans la région des plus grandes entreprises italiennes de machines agricoles, telles Goldoni et Landini,

 


[1] UNESCO. « Ferrare, ville de la Renaissance, et son delta du Pô ». Liste du Patrimoine Mondial de l’Humanité. 1995

[2] Enceinte formée avec des claies, composée de différentes chambres, qui sert à prendre ou à garder le poisson.

[3] Antoine Le Blanc. « Le delta du Pô : un espace doublement instable ». MappeMonde. N°67. 2002.

 

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