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Notes d'Itinérances
2 août 2022

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (2/69). Développer l’enseignement supérieur agricole ?

Augmenter la production agricole

 

 

Dans les années 70/80, la Tunisie donne la priorité au développement agricole afin de résorber les déséquilibres économiques et sociaux entre les régions côtières et celles de l’intérieur plus pauvres et moins dotées en infrastructures, d’atténuer les disparités de revenus entre urbains et ruraux, de réduire le chômage et le sous-emploi [1].

 

Les résultats obtenus dans le secteur agricole dans les années 70, s’ils sont importants (croissance de la production de 3,6% par an en moyenne) restent malgré tout très insuffisants au regard de l’accroissement de la consommation des produits alimentaires par la population tunisienne (+ 28% pour les céréales en kgs par personne et par an entre 1966 et 1980, +42% pour la viande, +46% pour les légumes, +51% pour les fruits !). En conséquence, la balance commerciale des produits agricoles et alimentaires accuse un déficit accru, le taux de couverture des importations (céréales, produits alimentaires transformés) par les exportations (huile d’olives, agrumes, dattes) n’étant que de 52% en 1981 et représentant le tiers du déficit courant de la balance des paiements.

 

Les experts du plan et les élus du parlement proposent un objectif très ambitieux : assurer un développement moyen de la production agricole de 5% par an afin que le taux de couverture de la balance commerciale des produits agricoles et alimentaire atteigne 82% en 1985. Pour atteindre cet objectif, une série de mesures est définie : des investissements généraux (routes, chemins, périmètres irrigués…), la privatisation de terres collectives, des remembrements fonciers, une amélioration des circuits commerciaux, le soutien des prix des produits agricoles, le développement du crédit aux agriculteurs, l’accroissement des moyens de la recherche et de la vulgarisation agricoles… Le développement de l’enseignement et de la formation professionnelle agricoles est également souhaité, 200 vétérinaires, 800 ingénieurs, 1250 ingénieurs-adjoints (techniciens supérieurs), 500 adjoints techniques (techniciens agricoles) doivent être formés entre 1982 et 1986. Enfin il est proposé la création d’un système de formation professionnelle et de promotion supérieure pour les enseignants et les personnels du ministère de l’agriculture.

 

En 1978, nous [2] sommes contactés par le chargé de mission agricole de l’ambassade de France en Tunisie afin d’obtenir des informations sur les cycles de formation de promotion sociale d’ingénieurs agricoles. C’est que les ingénieurs-adjoints [3] du ministère de l’agriculture de Tunisie multiplient les manifestations devant le ministère pour obtenir des promotions sans que celui-ci sache comment y répondre ! L’ambassade de France se propose d’être un intermédiaire entre un établissement français développant ce type de formation et les services tunisiens concernés. D’échanges de courriers en échanges téléphoniques, de demandes d’information en renseignements techniques, nous aboutissons deux ans plus tard à des échanges de missions. C’est l’occasion d’apprendre qu’en matière de coopération internationale, la première règle d’or c’est d’être patient ! 

 

Nous recevons du ministère des Affaires étrangères un ordre de mission international et des billets d’avion pour Tunis émis par l’agence de voyage du ministère dans une enveloppe fastueuse, longue, d’un papier épais, frappée en relief des armes de la « République Française » : un faisceau de licteur entouré d’une couronne de feuilles de laurier et de feuilles de chêne [4]. Avec pareil symbole, le voyage prend une autre dimension. On se sent investi d’une grande mission de représentation de la France (avec un grand « F » bien entendu), dans la lignée de la grande « Mission Civilisatrice »… même s’il est vrai que, dans cette mission civilisatrice, « on peut y déposer tout ce qu’on veut : les écoles, l’électricité, le Coca-Cola, les opérations de police, les ratissages, les condamnations à mort, les camps de concentration, la liberté, la civilisation et la « présence » française » [5] ! Cela rabat un peu nos illusions grandiloquentes.

 


[1] « VIe plan de développement économique et social 1982 / 1986- Agriculture et pêche ». Juin 1982.

[2] Institut National de Promotion Supérieure Agricole.

[3] Titre correspondant à celui de technicien supérieur en France, soit de niveau bac+2.

[4] Cette procédure ne sera plus jamais utilisée par la suite, le ministère des Affaires étrangères sous-traitant tous les aspects organisationnels et pratiques à des établissements publics ou privés par convention.

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