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Notes d'Itinérances
13 août 2022

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (13/69). Enquête en milieu rural - La formation des jeunes ruraux.

Un dispositif très limité

 

 

Une vingtaine de Centres de Formation Professionnelle Agricole délivrent une formation de deux années pour des jeunes ruraux qui souhaitent s’installer en agriculture. Soit un peu plus de deux cent jeunes agriculteurs environ formés chaque année (hommes, car les formations de jeunes femmes sont plus rares encore), quand il y a 400 000 exploitations agricoles en Tunisie et qu’on peut donc imaginer qu’il y a 10 000 successions d’exploitation à assurer chaque année. Quantitativement, le nombre de jeunes agriculteurs formés chaque année apparait dérisoire.

 

Le centre de formation professionnelle agricole de Gafsa est le plus déshérité des établissements visités. Il ne possède aucun moyen pédagogique, les tableaux noirs, composés de plaques peintes de contreplaqué, sont inutilisables tant le bois a travaillé avec la chaleur, tables et chaises sont rares et déglinguées. Enfin, dernière avanie, l’exploitation agricole annexée au Centre vient d’être coupée de l’établissement par l’érection d’un talus pour la pose d’une nouvelle ligne de chemin de fer chargée de desservir les mines de phosphate. La priorité ainsi donnée à l’extraction des phosphates qui permettront d’augmenter la productivité de l’agriculture des pays développés au dépend de la formation des jeunes tunisiens est assez choquante. Et cela ne date pas d’aujourd’hui…

 

« Vous songez à l’autre richesse du sol, aux minerais, à ces montagnes de phosphate que l’on débite à coups de pioche. On a fait, pour le phosphate, des voies ferrées et des ports. (...) Ce n’est qu’une industrie parasite, incrustée dans l’échine du pays comme le vers dans la peau de mes bœufs. Ses gains sont monstrueux, personne n’en tire profit » [1].

 

Au cours des entretiens avec les formateurs du centre, une demande concerne la création d’un cours de religion musulmane. La demande surprend les responsables tunisiens du ministère de l’Agriculture car l’éducation dans la république tunisienne de Bourguiba se veut laïque, a-confessionnelle, même si l’Islam est religion d’État et que les imams sont fonctionnaires de la République. Faut-il en déduire que, lorsque l’on ne dispose d’aucun moyen, dans une région déshéritée, la religion devient l’ultime espoir des populations ? L’opium du peuple en quelque sorte ?

 

Interrogés sur le devenir de leurs élèves, directeurs et enseignants avouent que leurs élèves ne peuvent généralement pas valoriser leur formation dans leur région d’origine et même, qu’assez fréquemment, ils ne terminent pas leur scolarité dans le centre. Ils s’efforcent d’utiliser la formation reçue pour des métiers situés dans des zones urbaines et d’autres branches d’activité comme chauffeur d’autobus à Tunis par exemple, participant ainsi à la fuite des compétences.

 

Au sud du pays, le centre de formation professionnelle agricole de Degache apparait comme l’antithèse de celui de Gafsa. Il possède une grande palmeraie, de 31 hectares, ce qui est très important dans cette zone de toutes petites structures agricoles. Les revenus des productions agricoles lui assurent des revenus élevés, utiles pour entretenir les bâtiments et le matériel pédagogique de l’établissement. Spécialisé dans les cultures d’oasis, il forme des jeunes ruraux qui peuvent s’installer, à la sortie de l’école, sur une exploitation agricole d’une superficie de deux hectares, plantée en jeunes palmiers, ceci grâce au financement d’un programme de la Banque Mondiale. Autant dire que les candidats ne manquent pas ! Aidés pour leur installation par les formateurs du centre, les jeunes agriculteurs sont ensuite suivis régulièrement par les formateurs qui les aident de leurs conseils tant sur les aspects techniques de la culture du palmier et des cultures associées d’oasis, que sur les aspects comptables de leur jeune entreprise. 

 

Ce type d’intervention auprès de jeunes ruraux pourrait préfigurer un avenir pour les centres de formation professionnelle agricole tunisiens afin de lutter contre l’exode rural et assurer le développement de la production agricole. Encore faut-il disposer de moyens financiers suffisants pour aider à l’installation des jeunes (disponibilités en terres, aides en bétail ou en matériel) et les accompagner techniquement afin qu’ils obtiennent des revenus suffisants avec leurs productions. 

 

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