Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
8 septembre 2022

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (48/69). La découverte de la formation professionnelle.

Il n’est jamais trop tard… mais que de temps perdu !

 

 

Après avoir soutenu, au lendemain des Indépendances des années 60, le développement des lycées agricoles et écoles d’ingénieurs pour former les cadres dont les nouveaux États avaient besoin, les institutions internationales (Banque Mondiale, Banque Interaméricaine de Développement…) et les coopérations des États les plus riches ont progressivement diminué leurs aides aux services et organismes publics en privilégiant l’appui aux institutions professionnelles agricoles comme les coopératives ou les syndicats. Au nom du libéralisme, il n’était plus question d’aider à la structuration et au développement des structures d’État.

 

Au tournant du millénaire, les institutions internationales finissent par prendre conscience que ce n’est pas par la vulgarisation de paquets technologiques auprès des paysans, même avec l’aide d’un « message » attrayant, que l’on peut faire augmenter rapidement la production. Le mieux, c’est quand même d’avoir des agriculteurs ayant un bon niveau de connaissances générales et techniques, et donc de disposer de dispositifs de formation professionnelle des ruraux [1]. 

 

A la même époque, la Tunisie s’engage dans un programme ambitieux de Mise A Niveau de la FORMation professionnelle (MANFORM) pour tous les secteurs d’activité économique, avec l’appui de l’Union Européenne et de financeurs internationaux (Banque Mondiale, Agence Française de Développement, Fond Arabe de Développement Économique et Social, Allemagne, Belgique, France, Canada). L'instruction du projet est partie du constat de la situation déplorable de la formation professionnelle laquelle « n’était pas en mesure de répondre efficacement aux exigences de la restructuration économique du fait des insuffisances suivantes : 1/ conçue principalement comme un accueil pour les exclus du système scolaire ; 2/ approches et matériel pédagogique obsolètes ; 3/ faible participation du secteur productif ; 4/ manque d’autonomie de gestion ; et, 5/ quasi absence de la formation continue ». De fait, rien de nouveau sous le soleil ! Tout cela avait été diagnostiqué dès les années 80 seulement, à cette époque, la priorité des priorités des institutions nationales et internationales de coopération c’était l’encadrement des paysans et la diffusion de messages techniques « modernes », pas la formation professionnelle. Problème : ces institutions ne reconnaissent jamais leurs erreurs, ou du bout des lèvres…

 

Le processus engagé en Tunisie est révélateur des nouveaux principes d’intervention des institutions internationales en matière de coopération : réalisation de programmes ambitieux étroitement insérés dans les politiques nationales, association de financeurs multiples, influence des organisations professionnelles dans la gestion et le suivi des programmes. Au total, c’est un montant d’environ 150 millions d’euros de dons internationaux, plus 110 de contribution du gouvernement tunisien. Pour le seul volet agriculture et pêche, il ne s’agit plus seulement d’apporter modestement, comme notre établissement avait pu le faire avec l’aide de la coopération française, un appui à la formation de cadres de la formation professionnelle ou de participer aux investissements d’un établissement. Il s’agit désormais de rénover totalement, en cinq ans, une dizaine d’établissements, de former massivement les formateurs à des démarches d’ingénierie de formation et d’ingénierie pédagogique et de transformer le centre national de formation professionnelle en centre d’ingénierie de la formation. On ne joue plus dans la même division ! Dans son volet agricole, le programme assemble des organisations professionnelles des deux pays : le syndicat des agriculteurs tunisiens et une association professionnelle française émanation des Chambres Régionales d’Agriculture mais, toutes les deux, faute de compétences dans le domaine considéré, s’appuient sur celles des établissements tunisiens et français, essentiellement publics, afin de participer aux études d’opportunité sur la rénovation des différents établissements tunisiens. L’arroseur arrosé !

 


[1] André Gauron. « Les enjeux géopolitiques et économiques de la formation agricole et rurale » et Jean-Bosco Bouyer. « Formation professionnelle et agenda international ». In « Formation professionnelle et développement rural ». Les Cahiers du réseau FAR. 2009.

Exemples : projet de la Banque Mondiale pour la rénovation des formations agricoles en Côte d’Ivoire (1999), du projet 2001 / 2003 de la Banque Mondiale pour l’étude de la restructuration des formations rurales dans 11 pays d’Afrique de l’Ouest, ainsi que les appels d’offre de l’Union Européenne sur ce thème.

 

Liste des articles sur Chroniques tunisiennes 1975 / 2023

Télécharger le document intégral

 

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 395