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Notes d'Itinérances
10 septembre 2022

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (53/69). Synagogue et mosquées

La Ghriba – Rites et mosquées

 

 

Une des particularités de l’île est l’existence d’une très ancienne implantation d’une communauté juive, et donc de l’existence de synagogues dont la plus vieille est célèbre, la Ghriba, située dans le village d’Er Riadh, à neuf kilomètres au sud de Houmt-Souk. Djerba abrite aujourd’hui la majorité des mille six cents juifs tunisiens restés dans le pays alors qu’à l'Indépendance, en 1956, ils étaient environ cent cinquante mille.

 

La tradition populaire veut que les premiers Juifs se soient installés à Djerba après la destruction du Temple de Salomon par Nabuchodonosor II, roi de Babylone, en 586 av JC. Pour éviter la déportation vers Babylone, un groupe de serviteurs du Temple aurait fui en emportant des manuscrits des Tables de la Loi sauvés des ruines du Temple et même des pierres du Temple sur lesquelles ils auraient bâti la Ghriba. D’aucuns affirment même qu’une des portes du Temple aurait été incorporée dans les murs de la synagogue.

 

La synagogue se visite facilement et permet d’admirer une belle décoration orientale avec carreaux de faïence, boiseries sculptées, vitraux multicolores. Un contrôle d’identité et une fouille des sacs est opérée systématiquement à l’entrée. C'est la conséquence de l'attentat suicide du 11 avril 2002, effectué avec un camion-citerne contenant du gaz liquide et revendiqué par Al Qaida, attentat qui causa la mort de 21 personnes [1]. La Ghriba attire tous les ans, trois semaines après la Pâque juive, des pèlerins venus du monde entier mais surtout d’Europe et d’Afrique du Nord, qui « transportent en procession sur leurs épaules, hors de la synagogue, les Tables de la Loi, sous un lourd baldaquin multicolore ». Plusieurs autres petites synagogues se trouvent à la Hara Kbira, principal quartier juif de l’île situé à Houmt-Souk.

 

Les mosquées de Djerba ne sont pas moins intéressantes même si elles sont souvent d’un style très dépouillé. Houmt-Souk possède quatre monuments importants : la Zaouïa de Sidi Brahim El Jemni surmontée d’une coupole de tuiles vertes, entourée d’un complexe religieux comprenant une médersa, une bibliothèque et un mausolée qui abrite la tombe du Saint, Jemaâ El Ghorba (dite la mosquée des étrangers) de rite malikite qui présente un grand minaret carré, Jemaâ Et-Trouk (dîte la mosquée des Turcs) de rite hanéfite avec un minaret de style ottoman, la Mosquée Ech-Cheikh de rite ibadite avec de multiples coupoles. C’est que les Djerbiens sont en grande majorité de rite ibadite, une branche particulière de l’Islam (notamment présente à Oman et dans le Mzab) prônant un strict respect des textes sacrés, une vie sobre et une égalité parfaite entre tous les croyants. Les Malikites, de rite sunnite, représentent la majorité des musulmans d’Afrique du Nord. Le rite Hanéfite enfin se trouve surtout en Turquie. L’architecture des mosquées était à l’origine différente selon le rite et les mosquées d’Houmt-Souk en sont un bon exemple. Aujourd’hui elles accueillent indifféremment les fidèles de ces divers rites. 

 

De nombreuses mosquées ont été bâties près du rivage. Elles étaient à la fois des tours de guet et de petites forteresses comme celle de Sidi Jimour sur la côte Ouest. D’autres, au centre de l’île jouait aussi ce rôle de forteresse comme Jemaâ Fadhloun à El May. Entourée de murs puissants, renforcés, elle accueille une école coranique, un moulin à grain, une boulangerie, un puits, une cuisine, une grande salle de prière. Enfin, autre cas très particulier, celui des mosquées enterrées comme Jemaâ Louta, à Sedouikech, laquelle daterait du XIIe ou du XIIIe siècle. Les Ibadites s’y réfugiaient pour pratiquer leur culte. Perdue au milieu d’une oliveraie, elle s’ouvre par un escalier très raide et étroit qui conduit dans la salle couverte de deux coupoles au raz du sol. A côté est situé une grande plateforme qui alimente un puits souterrain.

 


[1] La synagogue de la Ghriba a été touchée par un nouvel attentat le 9 mai 2023. Quatre personnes, dont deux fidèles qui participaient à un pèlerinage juif ont été tués dans une attaque perpétrée par un gendarme qui a été abattu. D'après le ministère de l'Intérieur tunisien, l'auteur des tirs s'en est d'abord pris à un membre des forces de l'ordre, avant de s'emparer de ses munitions, puis s'est rendu aux abords de la synagogue où il a ouvert le feu. (note de 2023).

 

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