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Notes d'Itinérances
29 novembre 2022

Romaines ! (11/25). Artemisia Gentileschi (1593 / 1656).

Rione Campo Marzio / Via Margutta

 

 

Au Moyen-âge, la zone située au pied de la colline du Pincio était occupée par des jardins et des vignes. Jusqu’au XVIe siècle, il n’y avait là qu’un simple sentier avec quelques maisons d’artisans, de maçons, de tailleurs de marbre, mais aussi des écuries, des hangars, des communs pour les palais voisins. L’urbanisation de la zone commence avec la création du « Tridente » qui transforme la place du Peuple en une entrée spectaculaire dans Rome avec la réalisation de deux voies encadrant le Corso, la via Leonina (actuellement via di Ripetta), à droite, à la demande de Léon X Médicis en 1517, et la via Clementia (actuellement via del Babuino), à gauche, à la demande de Clément VII Médicis en 1525. Les terrains situés sous le Pincio prennent de la valeur et sont progressivement lotis, notamment par un coiffeur, Margut (?), qui donnera son nom à la rue. A l'époque de Sixte V Peretti (1585 / 1590) le quartier est dispensé d’impôts et destiné à l’installation des nombreux artistes-peintres étrangers qui travaillent à Rome, notamment Hollandais et Flamands, qui contribuent à diffuser dans toute l'Europe les beautés des sites romains. 

 

C’est dans la via Margutta, où sont installés de nombreux ateliers d’artistes, que vécut Orazio Gentileschi, ami du Caravage. Sa fille, Artemisia (photo de son autoportrait), est une femme peintre qui s'impose dans le monde de l’art à une époque où celles-ci n’y sont pas acceptées (1593 / 1656) [1]. Classée dans l’école des peintres « caravagesques », elle peint notamment cet extraordinaire « Judith et Holopherne » [2], plus criant encore de vérité et de cruauté que celui du Caravage. Elle ose une scène d’une véritable boucherie dans laquelle Judith découpe la tête d’un Holopherne qui se défend, mais qui est fermement maintenu par Judith et sa servante, ce qui est certainement plus réaliste ! Le centre du tableau est composé des bras d’Holopherne qui tente de repousser les deux femmes, et ceux de celles-ci qui maintiennent l’homme allongé pour lui trancher la gorge. La lumière est concentrée sur les bras blancs. Les tâches de couleur des vêtements, robe jaune et manteau bleu de Judith, manteau rouge de la servante, font ressortir encore les contrastes des bras et accentuent le drame [3].

 

Sans faire de psychanalyse facile, il faut savoir que, jeune femme, Artemisia Gentileschi est violée par un peintre de l’atelier de son père. Pour le moins, elle a une idée réelle de la brutalité nécessaire pour maîtriser un individu que l’on violente ! Sa Judith n’est pas qu’une magnifique femme fatale, mais une jeune femme déterminée, qui agit certes pour le bien de son peuple, mais manifestement aussi une femme qui sait s’associer avec une autre pour se défendre de la puissance masculine.

 

Mariée à son violeur pour retrouver un statut social d’honorabilité, Artemisia Gentileschi s’installe à Florence où elle bénéficie de la protection le grand-duc Cosme II et de la grande-duchesse Christine de Lorraine. Elle est la première femme à être acceptée à la très prestigieuse Académie du dessin de Florence, la première académie artistique en Europe. Séparée de son mari, Artemisia Gentileschi s'installe ensuite à Rome (1621 / 1627) ; elle est désormais une peintre reconnue qui peut vivre de son art de façon indépendante. Sans doute à la recherche de nouvelles commandes, elle s'installe à Venise (1627 / 1630), puis Naples (1630 / 1638) où elle reçoit notamment des commandes importantes de sujets religieux pour les églises.

 

En 1638, Artemisia Gentileschi rejoint son père à Londres où Orazio est devenu peintre officiel à la cour de Charles Ier, roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Au début des années 1640, avant la guerre civile des trois Royaumes et la révolution anglaise, elle retourne à Naples. On suppose qu'elle est morte dans la peste dévastatrice qui a frappé Naples en 1656.

 


[1] Alexandra Lapierre, « Artemisia ». 1998.

[2] Le général babylonien Holopherne assiège la ville juive de Béthulie qui avait refusé de participer à la guerre contre le roi perse. Judith se présente à Holopherne avec sa servante et des cruches de vin. Ensorcelé par la beauté de Judith, Holopherne organise un banquet au cours duquel Judith l’enivre. Seuls à l’issue du banquet, Judith, profite de l’ivresse d’Holopherne pour le décapiter et retourne à Béthulie où sa tête est exhibée sur la muraille. Quand, au matin, les soldats babyloniens découvrent leur chef assassiné, ils s'enfuient.

[3] Il existe deux versions du tableau, l’une au musée Capodimonte de Naples (1612 / 1614), l’autre aux Offices à Florence (1620),

 

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