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Notes d'Itinérances
15 décembre 2022

Romaines ! (19/25). Henriette Hertz (1846 / 1913).

Rione Campo Marzio / Via Gregoriana

 

 

La via Sistina relie la Trinité-des-Monts à la Place Barberini. Aux n°123 / 125, le palais Dotti accueillit Nicolas Gogol, et c’est encore un Russe qui donna son nom au palais du n°59, le palais Stroganov. Les Stroganov étaient une très riche famille russe dont la dynastie remonte à Ivan le Terrible. Leur fortune s’est bâtie sur le monopole du sel et le commerce des céréales, des fourrures et des perles. Ils levèrent même une armée de Cosaques pour conquérir la Sibérie et devinrent un soutien indéfectible des Tsars. Anoblis, ils furent des mécènes et amateurs d’art. Leur palais romain abrite aujourd’hui la bibliothèque Hertziana qui s’est étendue à partir du palais voisin, le palais Federico Zuccari (1590 / 1598), à l’architecture maniériste, dont portail et fenêtres sont insérés dans la gueule de monstres, bouches grandes ouvertes [1]. Mais la richesse des collections de la bibliothèque imposa récemment une nouvelle extension qui se fit en creusant le sol et en conservant les façades des palais. Le bâtiment comprend des galeries sur cinq niveaux, ouvertes sur trois côtés sur un puit central ; le quatrième mur de briques blanches, oblique, réfléchit la lumière vers les galeries. 

 

La Biblioteca Hertziana doit son nom à Henriette Hertz, née le 6 juillet 1846, à Cologne, d’une famille de la petite bourgeoisie juive, son père étant commerçant et marchand de chevaux. Elle passe ses années scolaires à étudier la peinture et l'histoire de l'art. Elle est amie d'école avec Frida Löwenthal [2]. Lorsqu'en 1867, Frida et son mari, Ludwig Mond, s'installent en Angleterre, Henriette les rejoins. Ludwig est devenu un riche chimiste industriel dans l'industrie britannique des sodas. En 1889, ils acquièrent tous les trois un espace au Palazzo Zuccari à Rome et y installent une maison ouverte qui devient rapidement un centre de la vie intellectuelle cosmopolite de la ville. 

 

A Rome, Henriette Hertz veut améliorer les conditions de travail des universitaires qui étudient l’histoire de l’art italien. Au cours des années 1904 / 1912, elle commence à établir un centre d'études d'histoire de l'art en développant le concept de bibliothèque / institut de recherche dédié à l'étude de l’histoire de l'art italien et surtout romain. Son objectif est que les universitaires puissent se réunir, sans distinction de nation ou de sexe, « en toute liberté et indépendance ». « Je pense que le moment est venu de briser les barrières constituées par la nationalité et le sexe ». Aussi étonnant que cela puisse paraître, il s’agit de la première bibliothèque spécialisée en histoire de l’art à Rome !

 

L'acquisition et la rénovation du Palazzo Zuccari ainsi que de la Casa dei Preti adjacente (1904-1907) permettent à Henriette Hertz d'installer la bibliothèque au rez-de-chaussée du Palazzo Zuccari au cours de l'hiver 1910/11. Sa collection d'environ 12 000 photographies constitue la base de la collection photographique de la Biblioteca Hertziana. En 1912 Henriette Hertz lègue, par testament, à la Société Kaiser-Wilhelm (KWG), le Palais Zuccari avec la totalité de sa bibliothèque (bâtiment, livres, manuscrits, photographies, etc.) ainsi qu'un capital en valeurs mobilières de 12 500 £ pour le financement de l'Institut et de 50 000 lires pour l'extension de la bibliothèque. Le 15 janvier 1913, la Biblioteca Hertziana est officiellement inaugurée [3].

 

Henriette Hertz s’est convertie au protestantisme. Elle meurt à Rome le 9 avril 1913 et est enterrée au cimetière acatholique.

 

La société Max Planck a aujourd’hui pris en charge la Biblioteca Hertziana. Elle a acquis le palais Stroganov et construit un nouveau bâtiment dans les années 60 pour y abriter ses collections. Mais avec ses 240 000 volumes et ses 500 000 photographies, il était devenu nécessaire de restructurer l’ensemble qui ne permettait plus d’accueillir les lecteurs dans de bonnes conditions et ne respectait pas les normes de sécurité. C’est un architecte espagnol, Juan Navarro Baldeweg, qui a été chargé du projet de création du nouveau bâtiment, à deux pas de l’escalier de la Trinità dei Monti, creusé au sein du palais Zuccari.

 


[1] Le palais Zuccari sert de cadre au roman de Gabriele d’Annunzio « Il Piacere » (Le plaisir, 1889), traduit en français par « L’enfant de volupté » (!).

[2] The British Academy. « The Henriette Hertz Fund ». Site internet.

[3] Biblioteca Hertziana – Istituto Max Planck per la storia dell'arte. « Storia ». Site internet.

 

Liste des promenades dans Rome par thèmes et Liste des articles sur les Romaines

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