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Notes d'Itinérances
22 mai 2023

Rome, étrange et curieuse (43/45). Le lieu mystère - Une collection voyageuse de marbres antiques.

La plus grande collection privée de marbres antiques

 

 

Giovanni Torlonia (1754 / 1829) est le petit-fils d’un modeste marchand de toiles du Forez, Antoine Tourlonias, et le fils de Marin Tourlonias (1725 / 1785) lequel s’installe à Rome en 1750 où il italianise son patronyme en Torlonia. Giovanni prospère dans le commerce du fil avant de s’intéresser à la banque. 

 

Il prête au pape qui le fera marquis, puis duc, mais aussi aux Bonaparte, aux riches familles romaines [1]. La famille Torlonia se fait notamment une spécialité de prêter de l’argent à des familles nobles ruinées en échange du dépôt d’œuvres d’art ce qui lui permet de se constituer progressivement une collection unique. Giovanni Torlonia achète, en 1800, une centaine d’antiques de la collection du sculpteur Bartolomeo Cavaceppi, puis ensuite 270 œuvres d’une collection prestigieuse de sculptures anciennes du marquis Vincenzo Giustiniani. En 1866, Alessandro Torlonia (1800 / 1886) acquiert l'ancienne villa et la collection de sculptures grecques et romaines du cardinal Alessandro Albani. Bref, Torlonia, comme tout « nouveau riche », rafle en masse les collections que des familles plus anciennes avaient patiemment constituées !

 

En 1875, Alessandro Torlonia édifie, dans le jardin du domicile familial de la Via della Lungara, dans le Trastevere, un musée privé pour « sa » collection d’antiques, puis ouvre, en 1893, sa collection à des visiteurs choisis. Dans les années 1960, le musée est démantelé, transformé illégalement, et vendu en une centaine d’appartements de luxe. La collection est stockée, en vrac et sans aucune précaution de conservation, dans les caves de la via della Lungara où elle disparait aux yeux du public comme des spécialistes n’étant plus visible par personne ! 

 

Cette collection, de plus de 600 marbres antiques, aurait pu dormir oubliée de tous sans les péripéties d’une succession qui donnera lieu à son lot d’intrigues, d’actions en justice, de séquestres, de recours, voire de projets de loi sur la préservation de ce patrimoine national, de tentatives d’achats par l’État, de projets jamais votés par la Chambre des députés [2]. En 2014, une fondation était créée dans l’objectif de réhabiliter et de montrer la collection d’antiques. Une sélection de quatre-vingt-dix chefs-d'œuvre, représentatifs de l'importance de la collection Torlonia, « I Marmi Torlonia : Collezionare Capolavori » (Les Marbres de Torlonia : collection de chefs-d’œuvre) a été montrée au public, du 14 octobre 2020 jusqu'au 9 janvier 2022, dans le nouveau site d'exposition des Musées du Capitole, la Villa Caffarelli, dans l'aile Ouest du palais construite au XVIe siècle au-dessus du temple de Jupiter [3]. La collection a ensuite été exposée à Milan (mai / septembre 2022) et le sera au musée du Louvre (juin / novembre 2024) dans les appartements d'été d'Anne d'Autriche et la salle dite d'Auguste. L’exposition est divisée en 5 sections selon la chronologie des acquisitions des marbres romains et grecs et de la constitution des collections d’antiques par de grandes familles romaines [4] : la collection du XVIIIe siècle du collectionneur d’art Giustiniani, celles plus anciennes des XVe et XVIe siècles (collections Savelli, Cesi, Cesarini, Pio da Carpi), retraçant ainsi le processus de constitution des collections de marbres anciens, Grecs et Romains. 

 

En 2016, un accord a été signé entre le ministère des Biens et Activités culturels italien et la Fondation Torlonia qui devrait donner naissance à un nouveau musée, mais rien n’est moins sûr. Il pourrait être installé dans le Palazzo Silvestri - Rivaldi, via del Colosseo, en cours de restauration. En 2021, le ministre de la Culture et le président de la région du Latium ont signé un accord pour la mise en valeur du Palazzo Silvestri - Rivaldi. Érigé en 1540, il servit d’hébergement aux femmes pauvres et à leurs filles au XVIIe siècle ; le jardin fut détruit et excavé avec la construction de la voie mussolinienne des forums impériaux puis, à la fin du XXe, le palais fut abandonné et occupé par des groupes d’artistes pour des ateliers, des expositions et des spectacles. A suivre, donc avec attention sachant qu'à Rome tout est toujours possible !

 


[1] Henri Ponchon. « L’Incroyable Saga des Torlonia, des Monts du Forez aux Palais romains ». 2005.

[2] Etienne Dumont. « Les marbres "Torlonia" hantent les galeries d'Italia ». In « Bilan ». 19/06/2022.

Site de RomaSegreta. « Trastevere - Via della Lungara ».

[3] Curateurs Salvatore Settis et Carlo Gasparri, imaginée par David Chipperfield Architects Milano. La restauration des œuvres a été prise en charge par la Fondation Torlonia avec l’aide de l’entreprise mécène Bulgari.

[4] Sébastien Fumaroli. « Redécouvrir la collection Torlonia - Rencontre avec Salvatore Settis ». In « Tribune des Amis du Louvre ». 30/11/2020.

 

Liste des promenades dans Rome  et liste des promenades dans Rome étrange et curieuse

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