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Notes d'Itinérances
27 mai 2023

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (64/69). Une situation agricole préoccupante.

Dépendances des marchés et climatiques

 

Tunisie Agriculture olives

[1]          L’intensification de la production agricole en Tunisie a permis, jusqu’au début des années 2000, d’accroître la production et les exportations de produits agricoles et alimentaires (fruits, légumes, huile d’olive, poissons) et de développer de façon spectaculaire des filières de production tournées vers la consommation intérieure (volailles, viande et lait). Néanmoins, les importations de produits agricoles, ou nécessaires à l’agriculture, ont aussi connu une forte hausse par suite du changement des habitudes alimentaires des ménages (viande, lait) et de l’augmentation des intrants liées à l’intensification agricole (aliments du bétail, plants, semences, engrais, équipements agricoles). 

La dépendance de la Tunisie à l’égard des importations agricoles est grandissante et représente une charge croissante sur les budgets de l’État réduisant sa capacité à subventionner les produits alimentaires de base (céréales, fourrages, lait, volaille)  [2]. La saison agricole 2022 / 2023 aggravera la situation. La récolte céréalière devrait atteindre 2,5 millions de quintaux contre 7,4 au cours de la saison précédente. Les zones de production céréalière de la Tunisie, le nord et la zone irriguée de Kairouan, ont été durement touchées par l’insuffisance de pluies et la hausse des températures. La production d’huile d’olive, qui concerne 33 % des superficies cultivées de la Tunisie et 60% de la main d’œuvre agricole, devrait atteindre 180 000 tonnes. Suite aux conditions climatiques, il s’agit d’un recul de 25 % par rapport à la campagne précédente et de 15 % par rapport à la moyenne de la production nationale des dix dernières années. Dans les oliveraies de la plaine kairouannaise, certains arbres étaient complètement grillés suite aux conditions climatiques.

Les évolutions climatiques, les conséquences de la pandémie et de la guerre en Ukraine renvoient aussi à des causes structurelles liées aux stratégies de développement économique et agricole du pays. Dans le secteur des céréales, la hausse des prix des intrants (engrais, produits phytosanitaires, carburants), associés à la stagnation des prix de vente, pèse sur les petits agriculteurs dont la grande majorité est fortement endettée. Ils réduisent les superficies emblavées en céréales ou se détournent des circuits de commercialisation officiels au profit d’un circuit parallèle qui offre un meilleur prix et écoule les céréales sur les marchés libyen et algérien. Dans le secteur laitier, représentant 112 000 éleveurs, la flambée des prix des aliments de bétail importés, conjuguée à la baisse de la production fourragère, conduit les petits éleveurs à réduire ou liquider leur cheptel, entraînant des pénuries de lait sur le marché local et remettant en cause une filière qui s’était structurée dans les années 70/80 et avait atteint l’autosuffisance dans les années 90 [3]. Dans le secteur oléicole, la production sera affectée par les hivers doux car les arbres ont besoin de recevoir 300 à 600 heures de froid nécessaires à leur développement. A contrario, une augmentation importante des jours de canicule devrait également réduire la production d'olives [4]. La production d’huile d’olives pourrait diminuer jusqu'à 70 % si les émissions de gaz à effet de serre continuaient à leur rythme actuel.

La politique agricole va certainement devoir faire des choix douloureux. Faut-il assurer l’autosuffisance alimentaire tous produits de la Tunisie, ce qui aura pour conséquence des coûts de production élevés sur les produits non spécifiquement méditerranéens (lait, bœuf par exemple) ? Ou faut-il assurer sa sécurité alimentaire par une intégration dans le marché mondial en augmentant fortement ses exportations de produits spécifiquement méditerranéens, au prix d’une dépendance accrue sur les autres produits et donc sur les variables extérieures (prix, règlementation) [5] ?


[1] Photo « L’agriculture en Tunisie vers la marginalisation ou l’évolution ? ». In TanitJobs. 30/12/2019.

[2] Alia Gana. « Agriculture en Tunisie : flambée des prix, crise structurelle ». Fondation pour l’Agriculture et la Ruralité dans le Monde. 28/03/2023.

[3] Ridha Bergaoui. « Tunisie : La filière lait au bord de la faillite ». In « Leaders ». 22/08/2022.

[4] Observatoire National Tunisien de l'Agriculture. « Le changement climatique réduira considérablement la production d’huile d’olives ». 07/03/2022.

[5] Habib Ayeb. « De La Construction De La Dépendance Alimentaire en Tunisie ». Observatoire de la Souveraineté Alimentaire – OSAE. Décembre 2019.

Banque Mondiale. « Libérer le potentiel de l'agriculture afin de dynamiser la croissance dans les régions de l'intérieur ». In « La révolution inachevée ». Revue des politiques de développement. Mai 2014.

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