Deux modèles de base, la Trabant et la Wartburg - Une longue attente pour l'acheteur

« En R.D.A, comme dans d’autres pays socialistes, on a cherché des voies d’abord pour échapper à ce mouvement (celui de la motorisation individuelle), puis pour le freiner. La politique des prix en la matière, le peu d’enthousiasme mis à moderniser les modèles et à renforcer la production, les investissements publics limités dans l’amélioration du réseau et la construction de garages, tout cela traduit une volonté de dissuader. Et pourtant, rien n’y fait, les gens veulent toujours leur voiture ; on peut presque dire à n’importe quel prix » [1].

Une fois la frontière passée, et avec elle le choc émotif créé par la confrontation avec barbelés, miradors et soldats en armes, la première chose que l’on remarque, et qui permet d’ailleurs de détendre une atmosphère encore lourde, ce sont bien sûr les automobiles ! Car si l’on ne croise qu’un petit nombre de véhicules, on a vite fait le tour des différents modèles représentés. En dehors des Skoda tchèques, de quelques Lada soviétiques ou de Fiat Polski, ce sont surtout des Trabant et des Wartburg que nous croisons et qui nous amusent.

Si la Wartburg ressemble extérieurement encore assez à une automobile, la Trabant rappelle ces petits véhicules à moteur d’après-guerre surnommés généralement « caisse à savon ». La marque Trabant, qui résulte du remaniement après l’Armistice des établissements DKW et Audi situés dans les provinces de l’Est de l’Allemagne, produit une drôle de petite voiture à quatre places, deux portes, traction avant et moteur deux temps, bicylindre, d’une cylindrée de 594 cm3. Elle atteint néanmoins les 100 km/h sur autoroute grâce à une carrosserie ultra légère en fibre de verre [2]. A condition toutefois de ne pas être trop chargée et que la chaussée soit bien horizontale, ce qui est heureusement le cas le plus courant dans la grande plaine d’Europe du Nord. Délai moyen de livraison : 11 ans !

En comparaison, la Wartburg, c’est la limousine de luxe, non pas la Rolls, mais au moins la Mercedes de l’Allemagne de l’Est ! Quatre vraies places, quatre portes, mais avec un moteur deux temps à trois cylindres. La cylindrée atteint les 992 cm³ pour le modèle le plus récent, la « 353 » [3]. Délai de livraison : 13 à 14 ans !

Un dernier mystère plane sur ces deux modèles de véhicules : mais où sont-ils allés chercher ces couleurs impossibles ? Si la diversité des teintes des peintures n’est pas très variée, cinq à six couleurs différentes, elles sont particulièrement criardes : du bleu mer du sud au rouge tomate écrasée, en passant par le vert pomme acide, le jaune moutarde, le marron caca, et l’orange un peu blette. Ont-ils utilisé pour peindre les véhicules les excédents de peintures industrielles obtenus grâce à l’émulation socialiste des travailleurs de ce secteur ? Le responsable du plan chargé de sélectionner les couleurs des automobiles est-il daltonien ? Mystère.

Pour pouvoir respecter l’ordre des commandes et s’assurer que les acheteurs posséderont bien, le jour de la livraison, le montant particulièrement élevé de leur future acquisition, l’administration, dans sa grande sagesse, a mis en place des « livrets d’épargne – automobile » qui permettent aux familles, après la signature du bon de commande, d’économiser sou à sou. Mais la nature humaine étant ce qu’elle est, même en régime socialiste, certains, trop impatients de posséder ces petits bijoux, véritables signes extérieurs d’accession à la société de consommation, recherchent avidement des véhicules d’occasion. Conséquence, le prix de l’occasion est souvent plus élevé que celui du neuf !

Les délais de livraison sont bien sûr, là encore, l’objet de plaisanteries entre les Allemands. A l’heureux nouvel acheteur d’une Trabant, le vendeur propose une date de livraison, située un vendredi à 14h00, mais dix ans plus tard. Après avoir consulté son agenda, l’acheteur déclare alors, à la consternation du vendeur, que ce n’est pas possible : « Ne serait-il pas possible de changer ? J’ai déjà rendez-vous avec le plombier le même jour et à la même heure ! »

[1] Paul Lavaud. « La R.D.A au quotidien ». 1985.

[2] Marco Ruiz. « Le grand livre de l’automobile ». 1984.

[3] Marco Ruiz. « Le grand livre de l’automobile ». 1984.

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Petit abécédaire de la RDA (32/34). V comme Voitures.