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Notes d'Itinérances
14 juin 2013

Inde du Sud (4/31). Le temple d'Ekambareshwara de Kanchipuram.

Kanchipuram, capitale des Pallavas, Cholas et des Rajas de Vijayanagar - Le temple indien, une configuration particulière

 

 

 

« Pour la première fois de ma vie que j’aborde un temple brahmanique, j’en reçois l’impression de quelque chose de lugubrement idolâtre, de fermé aussi, d’hostile et de terrible ; je n’attendais point cela, non plus que cette défense d’approcher et de voir… » [1]

 

Ce n’est certes pas la première fois que nous visitons un temple hindouiste ayant fréquenté à plusieurs reprises les temples hindouistes d’Angkor. Ces temples sont d’une structure immédiatement compréhensible pour un œil européen dans la mesure où ils se déploient en hauteur (temple-montagne) et permettent ainsi d’en comprendre la structure : une série de plateformes quadrangulaires superposées, sur lesquelles sont positionnés des sanctuaires en forme de tours (prasat) pour les temples les plus anciens (IXe et Xe siècles), ou des galeries avec des prasat aux angles (Angkor-Vat, XIIe siècle).

 

Rien de tel au temple d’Ekambareshwara à Kanchipuram.

 

Kanchipuram est l'une des sept villes sacrées de l'Inde et a été successivement la capitale des Pallavas, Cholas et des Rajas de Vijayanagar. Si l’existence du temple d’Ekambareshwara serait avérée depuis l’an 600, la structure existante, lancée sous la dynastie Pallava, a été réalisée sous celle des Chola, puis complétée (mur d’enceinte et gopuras extérieurs) sous l'empire Vijayanagar, en 1509.

 

Le temple est un lieu vivant, enserré dans la ville dont les constructions viennent battre le mur d’enceinte, et les boutiques, échoppes et étals se pressent devant l’entrée principale : une tour massive, de près de 60 mètres (l'une des plus hautes du Sud de l'Inde), en forme de pyramide à base rectangulaire de neuf gradins abondamment sculptés. Dans cet ensemble monumental, une seule porte qui, bien que de belle taille, apparaît ridiculement petite dans cette masse imposante, une « chatière » n’aurait pas manqué de dire Paul Claudel [2] !

 

Après le passage d’autres enceintes, qui ne permettent toujours pas d’imaginer la structure spatiale du temple, la dernière enceinte est essentiellement occupée par une vaste salle hypostyle, parfaitement plane et horizontale, sans élévations, sans éclairage zénithal et donc très obscure sauf sur les côtés ouverts sur des cours intérieures, et composée de rangées de piliers massifs, très évasés, formant autant de couloirs parallèles, favorisant la circumambulation autour du sanctuaire principal. Cette vaste salle n’est occupée que par quelques petits sanctuaires secondaires mais enserre le sanctuaire principal dans lequel est conservée la représentation du dieu. Ce sanctuaire n’est lui-même composé que d’une chambre très étroite, très sombre.

 

La configuration d’un temple hindouiste d’Inde du Sud est surprenante pour un Européen dans la mesure où elle contredit son expérience courante des édifices religieux. Elle donne l’impression de favoriser une dynamique de concentration, centripète : du grand vers le petit, de la hauteur (les gopuras extérieurs sont toujours les plus élevés) vers l’horizontalité, de la lumière vers l’ombre.

 

A contrario, les édifices chrétiens sont généralement érigés en privilégiant l’élévation, la lumière : vastes salles aux plafonds élevés, lumière zénithale provenant de fenêtres ou de vitraux situés en hauteur, ou vastes dômes à la croisée des transepts. La dynamique recherchée est celle de l’élévation, plutôt centrifuge, du petit vers le grand, du bas vers le haut, de l’ombre vers la lumière.

 

Curieusement, l’architecture des temples hindouiste du Sud de l’Inde fait penser à celle des temples Egyptiens : forme et fonction des gopuras semblables à celles des pylônes égyptiens, salles aux mille colonnes précédant le sanctuaire comme les salles hypostyles égyptiennes, sanctuaire étroit et obscur au centre du temple… A la différence notoire toutefois des salles hypostyles égyptiennes qui sont très hautes. Cette ressemblance n’est certainement pas fortuite mais devrait être mise en relation, à la fois avec les principes et rites religieux, mais aussi les techniques et matériaux de construction utilisés [3] !

 


[1] Pierre Loti. « L’Inde (sans les Anglais) ». 1903.

[2] Paul Claudel. « Journal ». 1921. A propos d’Angkor Vat : « A cet énorme temple, on accède par une chatière, répétée, bien visible et exaltée, comme un petit trou noir dans le château central ».

[3] Voir § sur le temple de Gangakonda Cholapuram.

 
 
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