Trastevere - Lungara et Janicule (18/20). La Villa Lante et le phare Manfredi..
Une villa Renaissance - Un monument extravagant
Après la piazza Garibaldi, à droite, la Villa Lante est une belle villa du XVIe siècle comme la Farnesina, bien que plus modeste. Sa construction avait été commandée par le nonce pontifical Baldassarre Turini (1486 / 1543), fidèle secrétaire des papes Léon X de Médicis (1513 / 1521) et Clément VII de Médicis (1523 / 1534), lequel souhaitait disposer d’une villa moins exposée aux rigueurs estivales de la ville. L’architecte, Giulio Romano (Jules Romain), élève préféré de Raphaël, a fait travailler à la décoration de la villa Giovanni da Udine, Polidoro da Caravaggio, Vincenzo Tamagni et Maturino. La construction, débutée en 1518, a connu une interruption, voire des dégradations, lors du sac de Rome de 1527 par les lansquenets protestants du très catholique Charles Quint. Un graffiti célèbre dans le hall de la villa proclame : « A dì 6 de magio 1527 fo la presa di Roma » (le 6 mai 1527 j'ai fait la prise Rome !). Bigre ! Tout seul ?
En 1551, la villa passa à la famille Lante, qui lui donna son nom qu’elle conservera malgré divers changements de propriétaires, notamment Camillo Borghese (1817) puis l’ordre du Sacré-cœur de Jésus (1937). A partir de 1880, l’archéologue allemand Wolfgang Helbig et son épouse, la princesse russe Nadine Schahawskoy, y ont vécu avant que leur fils achète la villa en 1909. Ils y tenaient un salon culturel fréquenté par le « Tout Rome » et des artistes, écrivains et musiciens, dont Carducci, D'Annunzio, Schliemann, Tolstoï et Wagner. En 1950, la propriété a été vendue à la Finlande pour y établir son ambassade près le Saint-Siège et l'Institut culturel finlandais.
La villa[1], construite sur les vestiges d'une villa romaine antérieure, a conservé extérieurement son style Renaissance : symétrie, régularité, proportions harmonieuses selon les principes édictés par Vitruve[2]. L'étage noble se compose du salon de forme presque carrée, de trois salles plus petites, du vestibule et de la loggia, qui s'étend sur la façade orientale. La loggia, ouverte sur le panorama de la ville par des baies serliennes, possède des stucs attribués à Giovanni da Udine. Le vestibule menant au salon est orné d'un Triomphe de Rome du peintre Valentin de Boulogne et, au-dessus des portes, de hauts-reliefs d'Antonio Canova. Deux salles ont été décorées de fresques par Vincenzo Tamagni (1525-27), probablement sur un projet de Giulio Romano, avec des copies de célèbres portraits de Raphaël (La Fornarina, La Voilée), de muses et d'hommes illustres. En 1837, lorsque la villa a été achetée par l'ordre religieux du Sacré-Cœur, 32 petites fresques du salon avec des cupidons et des déesses et 4 fresques plus importantes avec des histoires relatives à la colline du Janicule, ont été jugées indécentes ; elles ont été détachées puis achetées par Henriette Hertz pour les installer au Palazzo Zuccari.
On remarque ensuite, toujours à droite, le très étrange phare Manfredi (photo), du nom de son architecte Manfredo Manfredi, député et collaborateur de « la machine à écrire », pardon, de l’Autel de la Patrie (Le Vittoriano). C’est une colonne de 20 mètres de haut, de style éclectique, gréco-romano-classico-baroque ! Le phare a été offert à la ville par les italiens d’Argentine, en 1911, en mémoire du 50e anniversaire de la création du royaume d'Italie (1861). Pour rappeler que Rome est une « ville phare » ? Pour que tous les Italiens se tournent vers sa lumière ? Bref, il avait été décidé par la municipalité du Bloc du peuple, conduite par Ernesto Nathan, de positionner le phare sur la colline du Janicule en souvenir d’une bataille importante en ce lieu pour la défense de la République Romaine, en 1849, contre les armées de la seconde République Française présidée par le prince Louis-Napoléon Bonaparte. Un faisceau tricolore illumine la ville de Rome lorsque le phare est allumé. Cette particularité, ou son style très éclectique, est à l’origine de l'expression romaine « Sembri il faro del Gianicolo ! » (vous ressemblez au phare du Janicule), utilisée pour une personne portant une tenue colorée ou extravagante.