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Notes d'Itinérances
22 septembre 2017

Le rione Colonna, au coeur de Rome (6/13). Le Palais du Montecitorio, siège de la Chambre des députés.

De Bernini à Fontana, matiné de style rocaille - Le haut-lieu de la démocratie italienne

 

Rome Colonna Palais Montecitorio

Derrière la place Colonna est située une autre petite place, la place du Montecitorio du nom du palais qui la domine et qui est aujourd’hui occupé par la Chambre des députés. 

L’histoire veut que, sur l’emplacement du palais Montecitorio, existait au Moyen-âge une décharge laquelle finit par former une petite hauteur où s’installèrent des potagers. On y cultiva certainement des salades romaines, mais ce serait faire de l’antiparlementarisme primaire que d’en déduire que l’endroit était prédestiné à sa fonction actuelle. 

Ce fut le lieu que choisirent les Ludovisi pour s’y faire construire un nouveau palais. Dessinée par Le Bernin, sa façade, légèrement courbe, suivait la forme de la colline artificielle sur laquelle elle était dressée. Toutefois, compte-tenu de difficultés économiques, les travaux furent arrêtés et repris trente ans plus tard, sous la direction de Carlo Fontana (1634 / 1714), pour Innocent XII Pignatelli (1691 / 1700) qui voulait y installer l'ensemble des organismes du Saint-Siège (la Curie). 

C’est Fontana qui aurait rajouté sur la façade ce « campenard » [1], cette espèce de clocheton disgracieux, avec une horloge et trois cloches dont la plus grande donnait l’heure, à midi précise, aux écoles et édifices publics. Mais cet édicule écrase cette magnifique façade. 

Comme pour le palais Poli, situé derrière la fontaine de Trevi, il faut remarquer, à chaque extrémité de la façade, une des subtilités du baroque annonçant le style rocaille. Des pierres brutes émergent de la façade comme si des rocs anciens traversaient le mur qui aurait été bâti autour, ou comme si la nature brute reprenait ses droits sur une construction humaine. 

La Curie fut inaugurée en 1696. Le palais était aussi le siège du gouvernorat de Rome, de la direction de la police, de tribunaux, le palais devenant ainsi le centre de la vie administrative et judiciaire du gouvernement pontifical. Après l'annexion de l'État pontifical et l’unification de l’Italie, en 1870, le palais du Montecitorio accueille la Chambre des députés du Royaume d’Italie.

Pour assurer cette nouvelle fonction il a été construit un nouveau bâtiment en brique et travertin, assez laid, derrière l'original, sur une base carrée avec quatre tours d'angle.

Au sein du palais, le salon de la Louve tire son nom de la sculpture de la louve romaine en bronze qui s'y trouve. Le salon de la Louve est également appelé « Aventino » car s’y rassemblèrent, de 1924 à 1926, les parlementaires dissidents pour protester contre l'assassinat du député Matteotti par un groupe fasciste. Après les élections d’avril 1924, gagnées dans des conditions contestables par le « Bloc National » auquel participaient les Fascistes de Mussolini, Giacomo Matteotti s’éleva contre les fraudes et le climat de terreur demandant l’invalidation des élections. Le 10 juin il est enlevé par un groupe fasciste, roué de coups et poignardé, son corps n’étant retrouvé que mi-août [2]. Pour protester contre sa disparition, les députés de l’opposition décident de ne plus siéger dans l’hémicycle et se réunissent dans la salle de la Louve. L’appellation « Aventino » fait ainsi référence à la sécession du petit peuple romain en 494 avant J.C qui, refusant de répondre à une convocation des consuls pour être enrôlés dans l’armée, s’étaient retiré dans le quartier de l’Aventin pour y constituer une « autre Rome ».

C'est également dans ce salon que, le 13 juin 1946, furent proclamés les résultats du référendum institutionnel créant la République italienne [3]. La question posée aux Italiens était des plus simples : « République – Monarchie ? ». Les résultats furent en faveur de la République à 54,3% mais en faisant apparaître nettement deux Italies : l’une au Nord de Rome votant massivement pour la République, l’autre au Sud, à partir du Latium et des Abruzzes, votant non moins favorablement pour la Monarchie !


[1] Campenard : mur vertical et généralement plat, placé en haut ou à l'avant d'un édifice pour recevoir des cloches.

[2] Charles Heimberg. « Il y a quatre-vingt-dix ans, le fascisme tuait Giacomo Matteotti ». Médiapart. 10/06/2014.

[3] Frédéric Attal. « La naissance de la République italienne (2-18 juin 1946) ». « Parlement[s], Revue d'histoire politique ». N°7. 2007.

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