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Notes d'Itinérances
30 mai 2023

Campitelli - Le tour du Forum (2/25). Le Vittoriano, un mastonde incontournable !

Le Vittoriano, le "Sacré-coeur" des Romains -  L'un symbolise la puissance de l'Etat, l'autre de l'Eglise

 

 

Le Vittoriano (photo) est aussi incontournable à Rome que le Sacré-Cœur à Paris avec lequel il ne manque pas de points communs. La construction en calcaire blanc qui fait contraste avec un paysage à dominante ocre rouge (terra bruciata) à Rome, et gris bleu à Paris. D’une taille « kolossale » : le Vittoriano a une hauteur de 81m avec un portique de 72m de long composé de 16 colonnes monumentales ; le Sacré-Cœur un dôme à 83m pour une largeur de 50. Enfin, ils ont été construits pour affirmer une domination et une revanche : un nouvel État qui fait de Rome sa capitale contre la papauté ; à contrario, à Paris, la puissance de l’église catholique contre les Communards de 1871 !

 

« …enfin il débouchait devant l’affreux monument à Victor-Emmanuel ; il lui semblait aussi gros qu’un surmoiil devait le contourner par la place du Capitole pour éviter l’affrontement » [1].

 

Le Vittoriano [2] commémore le souvenir de Vittorio Emanuele II, artisan de l'unité italienne. Un escalier monumental, encadré par deux groupes en bronze doré représentant la Pensée et l'Action, permet d'accéder à « l'Autel de la Patrie » dominé par la statue équestre du roi Victor-Emmanuel II [3]. Le monumental portique est surmonté, à chaque extrémité, de quadriges en bronze portant des statues de la Victoire ailée. La taille du monument, comme sa situation, ne sont pas dus au hasard : par sa monumentalité, il fait contrepoint à la basilique Saint-Pierre, d’autant qu’il est situé à l’autre extrémité de la voie qui traverse le cœur de Rome, le Corso. Il surplombe, écrase et tourne royalement le dos au Capitole où siégeait la municipalité dirigée par la noblesse catholique ! Il fallait affirmer la présence du nouvel État italien face à l’ancienne puissance des États pontificaux. Quand les troupes royales ont investi Rome, le 20 septembre 1870, Pie IX s’est réfugié au Vatican et refuse de reconnaître Rome comme capitale du nouvel État, il adjure les Romains de ne pas collaborer avec le gouvernement royal. Celui-ci doit conquérir sa capitale contre le Vatican dont la puissance est illustrée par la coupole de la basilique Saint-Pierre qui domine la ville.

 

« Ce qui achève de donner à Rome son caractère, ce qui fait qu’elle est elle-même l’emblème permanent du catholicisme, le voici : au-dessus des ruines, des basiliques, des mosaïques, au-dessus de l’Antiquité et du Moyen-âge, la coupole de Saint-Pierre s’élève comme la domination visible de la papauté » [4].

 

Entre ancienne et nouvelle puissance c’est la guerre : les bâtiments religieux sont nationalisés pour y installer les administrations royales, des bâtiments administratifs sont érigés face aux églises et édifices pontificaux, au bout de grandes perspectives ou autour du Vatican pour le masquer, comme le palais de justice, le tribunal civil, l’Académie des sciences, et une immense caserne dans le quartier des Prati (les prairies) qui longe le Vatican. Lors de l’urbanisation des Prati aucune des voies ne converge vers la basilique, mais toutes vers la place du Risorgimento [5] ! Les noms des ponts permettant de passer sur la rive vaticane, portent les noms de personnages qui ont contribué à l’avènement du nouvel État italien contre l’État pontifical : Cavour, Vittorio Emanuele, Mazzini, Garibaldi, Cola di Rienzo. Dans cette stratégie de prise de possession de la ville, le Vittoriano joue pleinement son rôle. Si le message politique est clair, le message architectural n’en est pas esthétique pour autant ! La guéguerre se terminera en 1929 avec les Accords du Latran : le pape admet enfin qu’il n’est plus une puissance séculière et que son État se limite aux 44 ha de la cité du Vatican.

 

Mais pour construire le monstre, des quartiers entiers médiévaux et de la Renaissance ont été démolis ; le couvent d'Ara Coeli, la tour de Paolo III et le viaduc qui la reliait au Palazzetto Venezia ont été rasés comme la maison de Michel-Ange ou de Giulio Romano et l'atelier de Pietro da Cortona.

 


[1] Philippe Artières. « Vie et mort de Paul Gény ». 2013.

[2] Il parait que le monstre se visite. Je ne l'ai pas fait, et pourtant c’est le seul moyen pour ne pas voir son imposante masse écraser églises, palais et monuments !

Voir le Site Trastevere App et ses photos. « Vittoriano: storia e trasformazione urbanistica ». 17/06/2019.

[3] En 1911, année de l'inauguration, des banquets de vingt personnes étaient servi dans le ventre du cheval !

[4] Edgard Quinet. « Allemagne et Italie ». 1839.

[5] Risorgimento : résurgence, pour faire référence à la construction de l’unité italienne.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades autour du Forum

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