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Notes d'Itinérances
1 décembre 2022

Romaines ! (12/25). Christine de Suède (1627 / 1689).

Rione Campo Marzio / Piazza del Popolo

 

 

La porte monumentale ouvrant sur la piazza del Popolo fut construite en 1561 à la demande de Pie IV Médicis (1559 / 1565) en remplacement de la porte romaine, la porta Flaminia. La façade intérieure de la porte est une œuvre du Bernin, réalisée en 1655 à l’occasion de la venue du « roi » [1] Christine de Suède (1626 / 1689). Il était en effet de tradition de dresser des portes et des arcs monumentaux lors des visites des puissants même si, le plus souvent, ces arcs de triomphe n’étaient composés que d’une armature de bois recouverte de toile peinte, imitant la pierre ou le marbre, avec des adjonctions de stuc pour figurer chapiteaux et statues. Le Bernin ne semble pas avoir apporté beaucoup d’attention à cet « habillage » intérieur de la porta del Popolo. C’est une œuvre de « circonstance » et elle apparaît assez quelconque. Elle comprend des pilastres jumelés encadrant l’arche centrale et les deux petites arches latérales, le tout surmonté d’un cartouche aux armes des Chigi. Ou manquait-il de temps ?

 

Christine est enfant unique du roi de Suède, Gustave II Adolphe. Avant de conduire les troupes suédoises au cours de la guerre de Trente ans (1618 / 1648), Gustave II avait obtenu des nobles la suppression de la dévolution exclusivement masculine. A sa mort, Christine monte donc sans problème sur le trône, à l’âge de six ans, sous la tutelle du chancelier du Royaume. Elle reçoit un enseignement rigoureux, langues et histoire, pratique le dessin et la peinture mais aussi des sports comme un garçon, escrime et équitation. Adulte, elle se passionne pour les arts, la sculpture, la peinture, la philosophie et invite Descartes à Stockholm… Refusant de se marier, elle décide en 1654 d’abdiquer en faveur de son cousin au grand soulagement du clergé réformé vu ses mœurs dites « légères », mais aussi du peuple et de l’armée qui s’inquiétaient de ses dépenses somptuaires à partir du trésor royal [2].

 

L’installation à Rome de la reine Christine de Suède n’était pas une mince affaire pour le pape ! La jeune reine de 28 ans, après avoir abdiqué, part à l’étranger à la tête de dix navires qui emportent ses meubles, ses tapisseries, ses tableaux, ses huit milles manuscrits hébreux, grecs et arabes ainsi que les marbres, les joyaux les pièces d’or et d’argent qui constituent sa fortune ; en outre, le Sénat du royaume s’est engagé à payer ses dettes qui s’élevent à dix millions d’écus. Après de longues pérégrinations à travers l'Europe, où elle gagne le surnom de « reine ambulante », elle se convertit au catholicisme et se rend à Rome en grand équipage. Accueillir l’ex-roi de Suède, ancienne brebis égarée de l’église réformée convertie depuis à la vraie foi, c’était gagner une bataille dans les guerres qui opposaient catholiques et protestants. Par ailleurs, Christine a la réputation d’aimer les arts. Le pape Alexandre VII Chigi (1655 / 1667) organise donc une réception fastueuse [3].

 

Elle s’installe dans le palais Corsini alla Lungara qu’elle transforme en musée avec ses œuvres d’art et elle entreprend d’aménager les jardins sur les pentes du Janicule ; elle y plante de nombreuses essences, fait construire des terrasses et édifier des fontaines. C’est dans ces jardins que se tiennent les premières réunions d’artistes, philosophes et poètes de l’Académie du Riario, qui deviendra ensuite l'Académie d'Arcadie. En 1667, elle obtient du pape de créer le théâtre de Tor di Nona [4] alors que les souverains pontifes étaient généralement opposés aux représentations publiques de théâtre et d’opéra. Rome ne possède pas alors de salle publique de théâtre alors que plusieurs villes italiennes et européennes bénéficient déjà de cet équipement. Elle installe une troupe de chanteurs dans l'ancien couvent de Tor di Nona et, pour la première fois à Rome, les rôles féminins des opéras n’y sont plus chantés par des castrats ou des jeunes hommes, mais par des femmes !

 

Elle meurt en 1689 et son corps repose dans la crypte de la basilique Saint-Pierre.

 


[1] Son titre était « Roi de Suède » afin de lui permettre de monter sur le trône en 1632.

[2] Jean-Pierre Cavaillé, « Masculinité et libertinage dans la figure et les écrits de Christine de Suède ». In « Les Dossiers du Grihl ». 2010,

[3] Pierre de Luz. « Christine de Suède et Mazarin ». In « La revue des Deux Mondes ». Octobre 1937.

[4] Jean-Claude Brennac. « Théâtres romains pour reines venues du Nord ». Site de Opéra baroque. 2006.

 

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