Romaines ! (13/25). Lorenza Feliciani (1751 / 1810).

Rione Regola / Vicolo delle grotte

Le toponyme du vicolo delle Grotte dérive des ruines des arcades du théâtre de Pompée devenues caves avec le rehaussement du sol et qui furent utilisées ensuite comme magasins et tavernes. Le théâtre avait été érigé à la demande du consul Pompée entre 61 et 55 Av. J.C. C’était alors une innovation car le droit romain interdisait la construction de théâtres permanents en maçonnerie. Les théâtres, jusqu’alors, avaient conservé leur caractère religieux, montés temporairement en bois, à proximité des lieux des manifestations religieuses. Comme le théâtre de Pompée comportait en son sein un temple dédié à Vénus Vitrix (Vénus victorieuse) sur un podium surélevé auquel on accédait par les marches des gradins, le théâtre était de fait devenu lui-même un temple et pouvait donc être permanent ! D’un diamètre de 150 mètres, il pouvait accueillir 17 500 personnes.

La ruelle évoque la figure de Lorenza Serafina Feliciani, née à Rome le 8 avril 1751, fille d’un dinandier du vicolo delle Grotte. Très jeune, Lorenza aurait exercé le « plus vieux métier du monde » 

« Yeux bleus, cheveux dorés, traits délicats, corps mince et élancé » [1],

C’est dans un bordel du vicolo qu’elle aurait été remarquée par Giuseppe Balsamo, plus connu sous le nom d'Alessandro, comte de Cagliostro. Né à Palerme, en 1743, Cagliostro au cours d’une vie aventureuse et de nombreux voyages (Naples, Rome, Lisbonne, Londres, Bruxelles, Paris, Saint-Pétersbourg…) sera astrologue, alchimiste, guérisseur, devin et franc-maçon, mais aussi faussaire, charlatan et escroc [2]. C’est donc à Rome, en 1768, que se rencontrent et se marient Lorenza et Giuseppe le 20 avril 1768, à San Salvatore in Campo, une église du quartier. Lorenza accompagne Cagliostro dans ses voyages et devient sa complice, notamment en séduisant les hommes afin de favoriser leurs différentes escroqueries. Plus que mari et femme, ils deviennent des partenaires en filouteries et les querelles entre eux auraient été orageuses et violentes !

De retour à Rome, en 1789, Lorenza, pour se débarrasser de Cagliostro, porte plainte contre lui auprès des autorités romaines, l'accusant d'une longue série de crimes et délits : mauvais traitements, fraudes, exercice de magie et hérésie. Arrêté sur les marches de l'escalier de la Trinité des Monts par la Sainte Inquisition comme suspect de pratiquer la franc-maçonnerie, Cagliostro est emprisonné au château Saint-Ange [3], puis jugé en 1791 et condamné par la justice pontificale à la peine de mort pour hérésie, la sentence étant ensuite commuée en prison à perpétuité. Le 20 avril 1791, il est transféré à la forteresse de San Leo dans la région des Marches, en Italie centrale. Il sera enfermé jusqu'à sa mort dans une cellule sans portes dans laquelle il a été descendu par une trappe dans le plafond. Décédé dans la nuit du 26 au 27 août 1795, la légende veut que, la nuit, le fantôme de Cagliostro retourne dans le vicolo delle Grotte, appelant désespérément le nom de sa femme !

Lorenza Feliciani sera acquittée des accusations d'aide et d'encouragement aux escroqueries de Cagliostro, mais restera enfermée pendant 15 ans au couvent de Santa Apollonia dans le Trastevere. De 1806 jusqu'à sa mort en 1810, elle sera concierge au Collège germanique de la Piazza Sant’Apollinare. Le folklore populaire raconte qu'une femme, au visage voilé de noir, emprunte toujours le même itinéraire entre les ruelles du Trastevere et et celles de l’escalier de la Trinité des Monts où Cagliostro aurait été arrêté. C'est le fantôme de Lorenza qui erre à la recherche de son mari !

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[1] Antonino Cangemi. « Cagliostro e Lorenza Serafina Feliciani ». In « Dialoghi Mediterranei ». 01/07/2014.

[2] Alexandre Dumas, dans la suite de romans « Mémoires d’un médecin » (1853), prêtera à Joseph Balsamo des aventures fantastiques dans une société féodale en décomposition annonciatrice de la Révolution française.

[3] Maurizio Calò. « Il processo a Cagliostro: alchimista, mago e astrologo ». In « Storia e Storie ». Numero unico 2000.

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