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Notes d'Itinérances
27 mars 2017

Grèce antique (15/18). L’Arcadie ne tient pas ses promesses !

Mais où sont les simples et fraiches idylles entre bergers et bergères ? – Une Arcadie sauvage et désertifiée

 

 

Pour traverser le Péloponnèse, entre Olympie et Nauplie, il faut passer par la fabuleuse contrée de l’Arcadie.

Dans les Arts, l’Arcadie est une région qui symbolise un âge d'or de la société humaine. Si le lieu est grec, c’est un Romain qui en assura la promotion, relayé ensuite par la Renaissance avec notamment Jacopo Sannazaro (1483 / 1501) et son « Arcadie ». Virgile, le poète romain (70 / 19 avant J.C), écrivit dix récits poétiques, connus sous le nom de « Bucoliques ». Il y dépeint un monde pastoral idéal, une utopie paradisiaque.

 

« Il imagine ainsi et invente une sorte d'harmonie des contraires, une fugue dominée par le contre-sujet : les loups sont en paix avec les agneaux, les troupeaux n'ont rien à redouter des lions ; les brebis, les ruisseaux et la nature toute entière, ensemble se fondent et s'émeuvent en écoutant la plainte du chant du berger » [1].

 

Ces différents textes inaugurent une tradition de représentation de paysages harmonieux dans lesquels leurs habitants, des bergers, vivent chichement et simplement dans des relations intimes et tranquilles avec la nature qui les entoure. Ces « pastorales » seront l’occasion de nombreux tableaux, livres ou opéras décrivant des idylles aimables entre bergers et bergères. On peut penser que ce mythe influença jusqu’à la cour de Versailles avec la création du hameau de la Reine par Marie-Antoinette qui aimait à y jouer à la bergère.

 

Le tableau, « Les bergers d'Arcadie » de Nicolas Poussin (1639) représente un berger de l’Arcadie heureuse qui, un genou à terre, lit l’inscription d’un tombeau, « Et in arcadia ego [2] ». Derrière un jeune homme s’appuie au tombeau, méditatif, et un autre s’incline et montre les paroles écrites à une Nymphe. Ce tableau est reproduit en marbre sur la tombe du peintre dans l’église San Lorenzo in Lucina à Rome. A Rome toujours, sur les pentes du Janicule existait un jardin, « Il bosco parrasio », qui appartenait à « l’Accademia dell’Arcadia » (l’académie d’Arcadie). Fondée à Rome en 1690 par des poètes de l’entourage de la reine Christine de Suède, l’Académie y tenait ses séances tous les jeudis, en été, dans un petit bois de lauriers et de myrtes.

 

Mais pour nous, la traversée de l’Arcadie fut particulièrement éprouvante, par deux fois ! Une première fois au mois de mars. Après avoir longé le fond du golfe d’Argolide, la route grimpe dans les montagnes du Péloponnèse. La végétation est rase, les montagnes pelées et désertiques. Alors que nous enfilons quelques lacets bien serrés, la neige se met à tomber à gros flocons. De Grèce, nous sommes brutalement réexpédiés dans les vallées des Alpes où nous n’avions pas voulu aller cette année ! Si la situation est d’abord plutôt plaisante, nous commençons maintenant à nous inquiéter, car la route se couvre d’une couche de plus en plus épaisse de neige au fur et à mesure que nous continuons à monter. Nous roulons derrière une autre petite voiture occupée par un couple de vieux touristes anglais qui dînait hier soir avec nous, à l’hôtel. Quelques dizaines de kilomètres plus loin, nous remarquons que la route est dégagée et nous nous retrouvons derrière un chasse-neige. Enfin ! Un chasse-neige ! Un engin de travaux publics qui évacue la neige en la poussant dans son énorme godet et en la vidant sur les bords de la route. Au fur et à mesure de la montée, la vitesse du « chasse-neige » ralentit tant le manteau de neige s’épaissit et il lui faut donc vider son godet de plus en plus fréquemment, arrêtant à chaque fois la petite file de voiture qui s’est constituée derrière lui. Nous sommes maintenant bloqués : plus moyen de retourner en arrière, la neige ayant recouvert la route derrière nous. Il nous faut alors plus de quatre heures pour faire une trentaine de kilomètres !

 

La seconde fois en octobre mais, cette fois-ci, ce sont des trombes d’eau qui se sont abattues sur la route et notre véhicule, rendant particulièrement dangereuse une chaussée étroite, sinueuse, bordée de ravins abrupts, dans une nature certes magnifique, mais sauvage, désertique, aux hameaux rares et délabrés. Poètes, peintres et musiciens n’étaient-ils donc jamais venus en Arcadie ? Les habitants de l’Arcadie réelle seraient certainement bien étonnés d’apprendre que leur région est réputée comme étant un petit paradis terrestre !

 


[1] André Arcellaschi. « Bucolique Arcadie ». In "Vita Latina", N°173, 2005.

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