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Notes d'Itinérances
12 avril 2024

Trastevere - Lungara et Janicule (9/20). La porte Settimiana et la via Garibaldi.

Le quartier de Rafael Alberti

 

 

La via della Lungara se resserre et se termine sur une porte, la porte Settimiana, une appellation qui fut chère à un président de la région Languedoc-Roussillon qui souhaitait l’affubler de ce nom ! Compte-tenu de l’importance de cette province et de sa capitale, Montpellier, on est un peu déçu de la modestie de cette porte ! Nulle fioriture, ni colonnes décoratives, ni frontons, ni armoiries, juste un arc en plein cintre surmonté de mâchicoulis et de créneaux ! Nulle voie romaine chargée de faire se rejoindre directement la capitale de l’Empire à sa riche province de la Gallia Narbonensis, mais une route créée par Jules II della Rovere (1503 / 1513) pour conduire aisément les pèlerins du pont Sisto à la porte San Spirito, un bastion situé au sud-est du Vatican, et leur permettre d’atteindre la basilique Saint-Pierre.

 

A gauche, au croisement avec la via di Santa Dorotea, au n°20, une boutique au rez-de-chaussée, signalée par une colonne romaine laissée visible dans la façade, aurait été, selon la tradition, la maison de la fille d'un boulanger devenue la maîtresse de Raphaël connue sous le nom de « La Fornarina » (la boulangère). C’est lorsqu’il était chargé de peindre les fresques de la Villa Farnesina qu’il aurait rencontré la jeune femme ce qui donna lieu notamment à un des tableaux les plus connus du maître et conservé à la Galerie d’Art ancien du Palais Barberini.

 

On monte au Janicule par une large avenue toute en virages. D’abord dénommée via delle Fornaci (rue des fours) en raison de la présence de l'ancienne usine de tabac construite par Benoît XIV en 1744, la rue gagna le nom de Garibaldi en souvenir des combats glorieux qu’y conduisit le héros, en 1849, pour défendre la jeune République Romaine contre les troupes françaises venues rendre au pape son pouvoir temporel.

 

Le n°88 de la via Garibaldi accueille un palais construit au XVIIIe siècle pour la famille noble Vitelleschi, puis acheté en 1792 par Pie VI Braschi (1775 / 1799) pour y installer la Maison de Charité fondée en 1788 dont il était le protecteur. Il y fut installé, jusqu’en 1870, un atelier de tissage de la soie pour des jeunes filles abandonnées[1]. C’est dans ce bâtiment que vécut le poète et peintre espagnol Rafael Alberti, en exil à Rome de 1963 à 1977. Il avait l'habitude de se promener dans les rues du quartier, bien qu’ayant la plus grande crainte de la conduite automobile des Romains. Il prétendait que, pour marcher dans les ruelles du Trastevere, il fallait avoir suivi une formation de toréador pour apprendre à éviter les automobiles, en se plaquant contre les murs et en courant vite ! Selon lui, deux personnes avaient encore plus peur que lui : Pablo Neruda et Nicola Guillén !

 

« Je peux avouer que dans mon quartier bien-aimé, j'ai dû devenir torero, m'entraîner à me ceindre, à perdre du poids contre les murs, à sortir sur mes pieds, à courir aussi vite que devant un taureau, en voyant arriver ces exhalaisons interplanétaires, aveugles et sans avertissement, à travers des rues aussi étroites. et ruelles tortueuses. De là, en un peu plus d'un an d’une courageuse vie romaine, est né un livre, intitulé avec une précision astronomique : « Rome, danger pour les piétons ». J'espère maintenant qu'un jour, à une date anniversaire, la commune de la Ville éternelle apposera sur un vicolo, non loin de ma Via Garibaldi, une plaque qui dit : « Vicolo di Rafael Alberti (…)». Parce que je me suis installé ici, je suis devenu voisin de ce quartier pour le chanter humblement, gracieusement, évitant la Rome monumentale, n'aimant que l'anti-officiel, le plus anti-goethien qu'on puisse imaginer : la transtévérine Rome des artisans, des murs brisés, peints d'inscriptions politiques ou amoureuses, secrètes, statiques, nocturnes et, de façon inattendue, silencieuses et solitaires »[2].

 

Je n’ai pas vu de plaque, ni repéré dans la liste des rues de Rome, un « vicolo Rafael Alberti » et ce n’est pas, avec des maires berlusconien issus de la droite fasciste ou cinq étoiles, que l’on a une chance qu’il y en ait un, un jour !

 

 


[1] Conservatorio dell'Addolorata detto delle Pericolanti - Archivio storico - Inventario 1760-1872. 2015.

[2] Rafael Alberti. « La arboleda perdida 2 ».

Rafael Alberti. « Roma, peligro para caminantes ». 1968. Rome, danger pour les piétons. Non traduit en français.

 

 

Liste des promenades dans Rome. et liste des articles sur le Janicule

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