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Notes d'Itinérances
15 mars 2024

Portugal - Lisboa rima avec Pessoa (6/16). La Baixa, un quartier en transition.

Les lieux des emplois du poète – Un déplacement des lieux commerciaux et administratifs

 

 

« Et de la hauteur majestueuse de tous mes rêves – me voici aide-comptable en la ville de Lisbonne.
Mais le contraste ne m’écrase pas – il me libère ; son ironie même est mon propre sang (…)
Quelle gloire nocturne que d’être grand sans être rien » [1]

 

C’est Bernardo Soarès qui parle, l’hétéronyme de Fernando Pessoa. Pessoa, lui, du fait de sa maîtrise de l’anglais, sera employé comme rédacteur de courrier commercial par des transitaires dans une vingtaine d’entreprise, parfois plusieurs simultanément, quasiment toutes situées dans le quartier de Baixa. Baixa, c’est la ville basse, celle qui fut détruite par le tremblement de terre de 1755 et reconstruite sous la direction du marquis de Pombal selon un plan de rues se coupant à angles droits, les unes orientées nord / sud, les autres ouest / est. Les façades des immeubles sont alignées, d’une même hauteur, austères, avec pour seule décoration des pilastres et des encadrements de fenêtres des plus simples, de pierres grises, en léger relief. Un étroit balcon avec une grille en fer forgé court au dernier étage. C’était un quartier cossu, situé non loin du port, et dans lequel les entreprises de commerce international avaient généralement installé leurs bureaux.

 

Entre 1913 et 1915, un des premiers emplois de Pessoa était situé rua da Prata laquelle va de la Praça do Comércio à la Praça de Figueira, n°267-1 [2], dans le cabinet « Lavado, Pinto & C Ld ». A cette époque, il fréquente le restaurant de l’« Antigua Casa Pessoa », au coin de la Rua das Douradores et de la rua Santa Justa (photo). Si c’est dans ce restaurant que Fernando Pessoa rencontrera son hétéronyme Bernardo Soarès [3], le nom du restaurant est une homonymie ! Il aurait été ouvert en 1864 et était donc bien antérieur à la fréquentation du poète [4]. Pessoa travaillera en 1916 Rua de São Julião, une rue perpendiculaire, proche de la Praça do Comércio, n°101, pour le cabinet « Xavier Pinto & Cie » puis au n°52 dans les années 20. En 1917 / 1918, il œuvre pour l'entreprise « Fernando Pessoa, Geraldo Coelho et Augusto Ferreira Gomes » Rua da Ouro, n°87-2, une rue qui joint la Praça do Comércio à la Praça Dom Pedro IV. En 1919, il travaille Rua da Assunção, n°42-2, chez « Felix Valladas & Freitas, Ld », où il rencontre Ophelia Queiroz, la seule relation féminine qu’on lui connaisse, puis de 1920 à 1923 au n°58-2 aux éditions Olisipo qu’il dirige avec son cousin Mario Nogueira de Freitas. Dans les années 20, Fernando Pessoa est employé dans le cabinet « Palhares Adams & Silva, Ldt », n°44-1 de la Rua Fanqueiros, une rue parallèle à la rua da Prata où il aurait écrit quelques pages du Livre de l’intranquillité. Puis chez Ourivesaria Moitinho, Rua da Prata, n°71, au premier étage ; dans le cabinet « Frederick Ferreira & Avila Ld. », Rua da Vitoria, n°53-2, une rue perpendiculaire. Enfin, Rua Betesga, sur la place Figueira au n°75-3, dans le cabinet « Lima Mayer & Perfect Magellan ». Entre 1934 et 1935, Pessoa est salarié dans l’entreprise « E. Dias Serras, Ld », Rua Augusta, n°228-1, la rue qui va de l’Arc de triomphe de la Praça do Comércio à la Praça Dom Pedro IV. Il a quasiment travaillé dans toutes les rues de la Baixa : une fois dans une rue partant de la Praça do Comércio, une autre fois dans une rue perpendiculaire !

 

« Et si mon bureau de la rue des Douradores représente la Vie pour moi, mon deuxième étage, là où j’habite, dans cette même rue des Douradores, représente l’Art » [5]

 

C’est toujours Bernardo Soarès qui parle. La rue des Doradores est une des seules de la Baixa dans laquelle Pessoa n’aura pas eu d’emploi ni de logement ! Si la Baixa de Pessoa comportait de nombreuses banques, restaurants et boutiques qui « ne le cèdent en rien à celles de Paris sous le rapport du luxe », le quartier est aujourd’hui en pleine reconversion. Les immeubles sont généralement plutôt décrépis, les familles bourgeoises, les banques, les entreprises commerciales et transitaires, les boutiques de luxe sont allées s’installer dans d’autres quartiers. Mais, progressivement ,des immeubles sont rénovés pour y installer des hôtels de qualité ou d’importantes entreprises de services.

 


[1] Bernardo Soarès / Fernando Pessoa. « Le livre de l’intranquillité – Être grand sans être rien ». 2004.

[2] Les Lisboètes sont gens pratiques, le n°267-1, correspond à l’immeuble n°267, 1er étage.

[3] Voir Iooss Filomena. « L'hétéronymie de Fernando Pessoa - Personne et tant d'êtres à la fois », Psychanalyse, n°1, 2009.

[4] Roteiro Pessoano, Casa Fernando Pessoa. Aujourd’hui, le restaurant vaut plus pour son cadre, avec les azulejos du XVIIIe siècle dont il est décoré, que pour le contenu de ses assiettes.

[5] Bernardo Soarès / Fernando Pessoa. « Le livre de l’intranquillité ». 2004.

 

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