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Notes d'Itinérances
18 août 2023

Ludovisi - En remontant la Via Veneto (6/10). Feu la Villa Ludovisi-Boncompagni.

Spéculation immobilière et « destruction de Rome »

 

 

Dans la Rome antique, la zone comprenait de somptueuses villas patriciennes habitées par des personnes illustres comme Jules César ou le sénateur Sallustio lequel avait fait réaliser un magnifique jardin avec pavillons, arcades, fontaines, temples et statues. En 1621, le cardinal Ludovico Ludovisi, neveu du pape Grégoire XV (1621 / 1623), fit l’acquisition du vignoble Del Nero lequel comprenait une petite résidence de campagne, le Casino Del Monte du XVIe siècle (appelé ensuite Casino dell'Aurora). En 1622, le cardinal Ludovisi agrandit encore son domaine avec la propriété Orsini dans laquelle était situé le Palazzo Grande, également du XVIe siècle. 

 

Le palais, utilisé comme résidence principale, modifié et agrandi en 1622 par l’architecte Carlo Maderno (1556 / 1629), peut-être aidé par Le Dominicain, deviendra la Villa Ludovisi [1]. Le cardinal la fit décorer d'une collection de peintures et de statues comprenant plus de 450 œuvres antiques et baroques. Les jardins auraient été dessinés par Le Notre. Au nord-ouest du palais était situé un « jardin secret » avec une volière, dominés d’une plantation d’agrumes. La renommée de la villa et son jardin attirait les visiteurs et les artistes tels que Goethe, Schiller, Stendhal, Gogol, qui décrivent la beauté des jardins, des marbres anciens et des peintures. Mais, vers 1665, Giambattista Ludovisi commença à disperser les marbres et les peintures [2]. Après une période d'abandon, la villa sera de nouveau habitée après 1815. 

 

En 1870, la ville de Rome, désormais italienne, se voit dans l’obligation d’appliquer la loi italienne de 1865 en matière de planification municipale dans un Piano Regolatore (plan régulateur). Mais, la municipalité de Rome, généralement dominée par les nobles, grands propriétaires terriens, s’efforcera d’éviter toute tutelle de l’État, par l’intermédiaire de procédures dérogatoires et un système de conventions entre la mairie, les propriétaires, les entrepreneurs et spéculateurs [3]. Dans ce cadre, Rodolfo Boncompagni-Ludovisi propose à la municipalité de Rome, dirigée par Leopoldo Torlonia, la réalisation d'un vaste quartier bourgeois à construire sur les cendres de sa villa : tout l’espace situé entre les portes Salaria et Pinciana, en descendant jusqu’au monastère des Capucins était occupé par les jardins de la Villa Ludovisi-Boncompagni [4], soit une superficie de plus de 25 hectares ! Le 29 janvier 1886, l'accord triangulaire est signé entre la municipalité, le propriétaire et la Società Generale Immobiliare chargée de la réalisation de la voierie et de la vente des lots. 

 

Dès 1885, les travaux d'enlèvement du mobilier et des statues avaient commencé. Une partie du bâtiment de la villa est insérée dans le nouveau palais que se construisent les Boncompagni-Ludovisi vers 1889 (le palais Piombino, futur palais Margherita), tous les autres bâtiments sont détruits ainsi que les jardins, le labyrinthe et les fontaines, les arbres seront déracinés pour tracer la Via Vittorio Veneto et les voies de ce nouveau quartier de Rome-Capitale. Seul le Casino dell'Aurora sera isolé et finalement sauvé.

 

« … et la Villa Ludovisi, un peu sauvage, embaumée de violettes, consacrée par la présence de Junon qu’adora Goethe, au temps où les platanes et les cyprès, que l’on put croire immortels, frissonnaient déjà dans le pressentiment des enchères et de la mort » [5].

 

In fine, la Generale Immobiliare aurait réalisé 15 millions de chiffre d'affaires contre 10 millions de dépenses. Les 5 millions de bénéfice (soit un taux de profit de 50% !) seront néanmoins inférieurs aux attentes, et ils seront insuffisants face à la crise immobilière qui éclate en 1886. La société entre en crise, quant aux Boncompagni-Ludovisi, ils n’évitèrent pas la débandade.

 


[1] « Il Palazzo Grande di Villa Ludovisi, fotografato nel 1885 ». Da Archivio Boncompagni Ludovisi.

[2] Une partie finit heureusement dans les collections publiques au palais Altemps et à la Galerie Borghese.

[3] Denis Bocquet. « Lecture institutionnelle de l’urbanisme et interprétation spatiale du gouvernement urbain - La planification urbaine à Rome ». In « Rome, ville technique (1870-1925) ». 2007.

[4] Site RomaSegreta. « Villa Ludovisi ».

[5] Gabriele D'Annunzio. « L’enfant de volupté » (Titre original, Il piacere – le plaisir). 1889.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades dans Ludovisi

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