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Notes d'Itinérances
29 novembre 2023

Viêt-Nam - 1995 / 2023 (9/27). En route pour Halong.

Les petites vendeuses de Coca au bac du Fleuve rouge

 

 

Nous quittons Hanoi par le nouveau pont Chuong-Duong d’où nous pouvons admirer la silhouette caractéristique du pont Long-Biên. Celui-ci est plus connu en France sous son appellation de « Paul Doumer » : une structure métallique légère à quatre bosses, conçue par le cabinet d’architecture de Gustave Eiffel. Inauguré en 1902 par le Gouverneur Général de l’Indochine, il constituait une prouesse technique avec ses 1 682 m de long. Il comprenait une voie ferrée centrale, encadrée de deux voies routières et de passages piétons. Véritable cordon ombilical de la ville, c’est par lui que passent encore les liaisons ferrées avec la Chine par Lao Cai ou avec Haiphong.

 

Le pont Long-Biên était bombardé une première fois par les Américains le 11 août 1967 et le tablier s’effondrait sur plus de trente mètres. Les techniciens du génie chinois étaient immédiatement dépêchés sur les lieux pour le remettre en état. 

 

« Des panneaux à la gloire de Mao Zedong et des portraits du Grand Timonier fleurirent sur les échafaudages et les superstructures de l’ouvrage. Les Vietnamiens n’apprécièrent que médiocrement cette propagande... » [1].

 

Le 5 octobre, le pont était rouvert à la circulation, mais le 25, par deux attaques effectuées dans l’après-midi, cinquante mètres de tablier étaient à nouveau détruits. Une nouvelle fois réparé, il fut détruit une fois encore lors des attaques du 14 au 19 décembre 1967. Mais trop endommagé, 200 mètres de tablier et 6 piles étaient détruites, il ne fut remis en état qu’après l’arrêt définitif des bombardements, en avril 1968. Depuis, trop étroit pour faire face à la circulation, il a été doublé en 1983 par le pont Chuong-Duong et réservé au chemin de fer, aux piétons et aux cyclistes.

 

Si ce n’était leur parfaite platitude et le reflet, parfois, d’une étendue d’eau, les rizières du delta sont un immense gazon en damier dont la couleur des cases varie du vert acide au vert bleuté. Peu d’espaces entre ces toutes petites parcelles, un étroit chemin, ou une fine diguette, sur lesquels des buffles pâturent sagement, un enfant assis ou allongé sur leur dos. 

 

Au passage du bac sur le fleuve rouge, à Haïduong, une demi-douzaine de gamines se précipite autour de nous pour nous vendre des bouteilles de Coca-Cola et de Seven-Up [2]. Pour montrer que les bouteilles sont bien fraîches, elles nous les posent sur les avant-bras, en répétant « coca », « coca ». Pas moyen de faire une photo sans trouver une bouteille de coca brandie à bout de bras devant l’objectif. De guerre lasse, je réintègre le véhicule en espérant qu’elles s’intéresseront à d’autres clients potentiels. Las, nous sommes les seuls Européens dans la file d’attente. L’une d’entre elles mène une offensive continue, en faisant mines et grimaces, transformant la sollicitation en jeu. Au départ du bac, elle partira boudeuse, manifestement fâchée que nous ne lui ayons rien acheté. Lisant, plus tard, le récit de voyage de Guillebaud et Depardon, je retrouve sous leur plume une aventure très semblable avec une petite vendeuse éclatant en gros sanglots de déception de n’avoir rien vendu aux « Phaps » [3]. Je me plais à penser qu’il s’agît de la même petite fille et qu’elle a transformé son gros chagrin d’enfant en jeu, mais d’un jeu d’où émerge encore la déception de ne pas toujours gagner.

 

A Halong, nous sommes hébergés au « Halong 3 », une dénomination éminemment poétique pour un hôtel qui ne l’est pas moins : un parallélépipède massif de béton aux cases uniformes. Il avait été construit par les Soviétiques dans les années 60 pour y accueillir leurs ingénieurs, techniciens et militaires en repos. C’est que les hôtels pour étrangers sont encore peu nombreux à Halong, vraisemblablement au moins trois, mais les touristes étrangers sont bien moins nombreux que les touristes vietnamiens.

 


[1] François de Quirielle. « Sous les bombes américaines ». 1992.

[2] Cinquante ans plus tôt, à Haï Duong, lors de l’opération « Pierre » de reconquête du delta de février 48, pour accueillir les troupes françaises débarquées par LCT pour reprendre la ville, il n'y avait pas de petites filles pour vendre du Coca… seulement des balles de mitrailleuse. 

[3] Jean-Claude Guillebaud, Raymond Depardon. « La colline des Anges ». 1995. Phap : français.

 

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