Esquilino et Monti sud - Sur le chemin des processions (7/14). Pénétrer dans le Saint-des-Saints !

La Scala Santa -  Eternité et indulgences

 « Il reste à voir dans le voisinage, la Scala Santa, petit édifice passable au dehors, vilain au-dedans » [1].

De l'autre côté de la place, au sud-est du palais du Latran, se trouve un bâtiment isolé abritant la Scala Santa (« Saint-Escalier ») et la chapelle connue sous le nom de Sancta Sanctorum. Ce bâtiment, remanié par Fontana, est tout ce qui subsiste de l’ancien palais du Latran, Sixte Quint ayant souhaité conserver la chapelle privée des papes dont on pensait qu’elle avait été utilisée depuis l'époque de Constantin. Carlo Fontana l'a enfermée dans un nouveau bâtiment, devenu indépendant. La Scala Santa y a été transférée, en 1589, de sa position d'origine au sein de l’ancien palais au porche d'entrée nord de celui-ci, donnant ainsi accès à la Sancta Sanctorum. C’est un bâtiment simple avec, en façade, un premier niveau composé de cinq arcades et, au second niveau, de hauteur plus réduite, de cinq fenêtres. Arcades et fenêtres sont encadrées de pilastres, et les deux niveaux sont séparés par un fort entablement [2].

Le saint escalier proviendrait du palais de Ponce Pilate, à Jérusalem, où siégeait le tribunal. Le jour du Vendredi Saint de l'an 29, fut prononcé la sentence de mort contre Jésus-Christ et c'est par cet escalier qu’il serait passé à plusieurs reprises, après la flagellation et le couronnement d'épines, marquant de sang les marches de l’escalier. L’escalier est supposé avoir été apporté à Rome par sainte Hélène, mère de Constantin, en 326, et il aurait été remonté dans le palais du Latran, ancienne demeure des empereurs à Rome. Toutefois la dévotion à cette relique n’est attestée que depuis 1450 ! Le Saint-Escalier est situé au centre du bâtiment, flanqué de part et d’autre par Fontana de deux escaliers parallèles. Cet aménagement permet aux pèlerins, notamment nombreux pendant la Semaine sainte, d’emprunter les escaliers latéraux sans perturber ceux qui gravissent à genoux l'escalier saint central. Les marches du Saint-Escalier doivent être gravies à genoux, chacune étant recouverte d’une planche de noyer afin de protéger de l’usure les marches sur lesquelles Jésus aurait posé les pieds. Les fresques qui couvrent les murs et les voûtes des escaliers ont été exécutées par une équipe d'artistes dirigée par Cesare Nebbia et Giovanni Guerra, et achevées en 1589. 

En 1672, l'abbé Joseph Maria Soresini a été chargé d'écrire un texte historique sur la relique. Il rédige une fausse bulle attribuée au pape Pascal II de Bieda (1099 / 1118), du 5 août 1100, censée accorder neuf années « d'indulgence » pour chacune des 28 marches que les pèlerins graviraient à genoux, selon une autre tradition inventée d’une bulle de l’an 850 du pape Léon IV (847 / 850) ! Les papes Benoît XIV Lambertini (1740 / 1758), par un décret de la sainte Congrégation des indulgences en 1742, et Pie VII Chiaramonti (1800 / 1823), par un décret de 1817, confirment la fausse bulle et ils accordent neuf années d’indulgence par marche, soit 252 ans par montée d’escalier. L’indulgence est la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine encourue en raison d'un péché. C’est une règle assez curieuse car ce sont des hommes, êtres temporels, qui s’octroient ainsi le droit de modifier le jugement que Dieu prononcera lors du tribunal devant lequel les hommes doivent être convoqués à la fin des temps pour répondre de leur existence [3]. En 1476, le pape Sixte IV décrète que les indulgences peuvent s'acheter pour réduire le temps de purgatoire… Les indulgences devenaient ainsi une sorte de bon, libellé en jours, mois ou années, qui pouvaient se capitaliser et vous permettre, ainsi qu’aux âmes du purgatoire, de diminuer le temps de pénitence à passer au purgatoire [4]. Si vous êtes un mauvais Chrétien, ayant trop péché, et promis à l’Enfer, elles ne vous seront toutefois d’aucune utilité, les indulgences n’ayant pas cours légal dans les contrées lucifériennes.

252 ans par montée d’escalier, cela peut valoir le coup… bien que l’éternité, par définition, ça dure longtemps !

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[1] Charles De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

[2] La Scala Santa peut être visitée tous les jours et sans réservation de 6h00 à 13h30 et de 15h00 à 18h30 (les dimanches et jours fériés, elle ouvre à 7h00). L'entrée est gratuite.

[3] Ceci est une remarque qui doit être influencée par un esprit parpaillot !

[4] En 1967, à la suite du concile Vatican II, le pape Paul VI a supprimé la référence à un nombre de jours ou d’années déterminé ; désormais on ne parle plus que d'indulgence partielle ou plénière.

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