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Notes d'Itinérances
22 février 2014

Laos de Vientiane à Luang-Prabang (6/17). De Vientiane à Vang Vien, marché à Ban Dông.

La place majeure des femmes lao dans l'activité marchande

 

 

Les marchés du Laos, comme ceux du Viêt-Nam, sont impressionnants. Non seulement ils sont très bien achalandés et l’on peut y trouver toutes sortes de fruits et de légumes, mais aussi de la viande, des poissons vivants qui gigotent dans des bassines de plastique alimentées en air, et toutes sortes de variétés de riz. Mais on peut aussi y acheter des vêtements, des chaussures, de la quincaillerie, sans parler de toutes les possibilités de s’y restaurer.

 

« On y voyait des cuisiniers ambulants qui portaient sur leur dos à la fois leur matériel et leurs mets, au moyen d’un appareil préhistorique, une sorte de balance dont le fléau reposait sur leurs épaules, dont un des plateaux portait un réchaud rougeoyant de charbons incandescents, et l’autre des viandes, du poisson, du riz. A la volonté du client, le bonhomme s’arrêtait, posait son réchaud à terre et confectionnait, dans la rue, le plat demandé » [1].

 

Cette description des marchés n’est toutefois plus d’actualité. D’une part la restauration est assurée le plus souvent dans des étals avec barbecue sur lequel cuisent poissons, viandes ou préparations enveloppées dans des feuilles de bananier, mais surtout parce que la très grande majorité, pour ne pas dire la totalité des vendeurs, cuisiniers compris, sont désormais des femmes ! Les femmes ont manifestement accaparé tout le commerce de détail.

 

« Mon mari était resté douanier, malgré son faible salaire de fonctionnaire. Selon la tradition laotienne, il est de bon ton pour un homme d’avoir un métier « institutionnel », c'est-à-dire de travailler pour l’Etat. Même s’il est mal payé, ce statut est important pour l’image de la famille. Il doit exercer cette même profession pendant toute sa vie » [2].

 

Ce ne sont donc pas les revenus des maris qui feraient bouillir les marmites laotiennes, mais bien ceux des femmes grâce aux multiples petites activités commerciales qu’elles développent. Si elles jouent manifestement un rôle clef dans la vie économique et sociale, la situation des femmes laotiennes demeure toutefois préoccupante dans les domaines de la santé et de l’éducation. Avec une fertilité qui reste élevée (4,9 enfants par femme en 2000 contre 5,6 en 1995), le taux de mortalité maternelle est de 530 décès pour 100 000 naissances vivantes (9,6 pour 100 000 en France) et le taux de mortalité infantile pour les enfants de moins de cinq ans est de 102 pour 1 000 (4 pour 1 000 en France). Côté éducation, le gouvernement s’efforce d’instaurer l’enseignement primaire pour tous et le taux de scolarisation des filles dans le primaire s’est amélioré en passant de 68 % en 1995 à 75 % en 2000 ; mais cela veut aussi dire qu’il y a encore un quart des petites filles qui ne vont pas à l’école ! Pour les plus de 15 ans, le taux d’analphabétisme des femmes est de 40%.

 

Le code national de la famille apparait très progressiste [3], l’égalité des droits et devoirs des deux conjoints est parfaitement respectée, au point que le nouveau couple peut choisir comme nom de famille celui de la femme ou celui du mari, ou que chacun peut conserver le sien. Mais cette lecture donne néanmoins l’impression qu’il s’agit d’un texte plus théorique que réel. Autant, en France, réglementations et législations apparaissent toujours avec un décalage en retard en regard des pratiques sociales, autant le code laotien de la famille apparait en décalage en avance sur les pratiques sociales ! Cette solution est peut-être non seulement souhaitable, mais certainement nécessaire, pour faire évoluer les pratiques sociales dans le sens de la reconnaissance de l’égalité des deux sexes. Il existe bien une « Union des Femmes Lao », laquelle a également son siège sur la berge du Mékong à Vientiane, mais elle semble être une organisation satellite du Parti Révolutionnaire du Peuple Lao. C’est la seule institution reconnue et autorisée à représenter les femmes ; elle est dirigée par un membre du comité central du Parti unique et ses cadres sont des membres de ce Parti ! Pas sûr que la grande masse des femmes laotiennes s’y retrouvent pour y défendre leurs droits.

 


[1] Louis-Charles Royer. « Kham, la laotienne ». 1935.

[2] Fabrice Mignot. « Histoires de femmes et décalages culturels au Laos ». 2006.

[3] Traduction de Fabrice Mignot, in « Histoires de femmes et décalages culturels au Laos ».

 

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