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Notes d'Itinérances
6 août 2014

Sri Lanka, l'ïle dont on rêve (24/37). Nuwara-Eliya et vieille Angleterre

Au "bon temps" de la colonisation britannique - Une "vieille Angleterre" à la dérive, mais conservant ses rites.

 

 

Nuwara-Eliya, située à 1 900 mètres d’altitude, était une petite ville très recherchée des colons anglais qui venaient s’y reposer des chaleurs de Colombo, ou y récupérer une santé fortement ébranlée par la malaria.

 

Le développement de la station thermale et des cultures de thé sur les montagnes environnantes induirent la construction d’une ligne de chemin de fer qui, dès la fin du XIXe siècle, permettait aux riches anglais, puis à la grande bourgeoisie cinghalaise de monter commodément à Nuawara-Eliya pour le week-end ou pour les congés.

 

« La station d’altitude de Nuwara Eliya, qu’apprécient tant les Anglais, ne nous avait pas enthousiasmés. Ces forêts de résineux, ce terrain tourbeux noyé d’un éternel brouillard, sorte d’Ecosse de second ordre, transportée sous l’équateur, malgré sa température basse, ne nous avait pas retenus » [1].

 

Comme les colons français le firent à Dalat, au Viêt-Nam, les colons anglais s’y construisirent des demeures rappelant leur pays d’origine, maisons normandes ou basques là-bas, manoirs écossais et gentilhommières très « British » ici. Sans oublier, bien sûr, un golf de 18 trous.

 

Bien évidemment, cela n’allait pas sans le développement d’une hostellerie de luxe dont le « Grand Hôtel » est le meilleur représentant.

 

C’est une énorme bâtisse, façon manoir anglais, avec colombage et bow-windows, précédée d’une pelouse au gazon impeccable, peigné avec le plus grand soin. Un personnel en livrée, doré sur tranche, vous y accueille et vous conduit au comptoir de réception à travers de longs couloirs couverts de tapis et de lambris. De chaque côté, des portes à doubles battants sont ouvertes sur de vastes salons remplis de lourds fauteuils de bois sombre tapissés de velours rouge et de tables basses. Les tentures des murs, les doubles rideaux des fenêtres enserrés par de fines cordelettes, les lampadaires de bronze aux abat-jours de tissus, les gravures anciennes de vues de Ceylan dans des cadres de bois sombre, et même une cheminée où brûle un faux feu de bois, tout concourt à créer une ambiance discrète et feutrée comme l’aimaient les lords et les riches ladys.

 

Mais hélas, la vieille Angleterre est aujourd’hui à la dérive. L’empire colonial s’est disloqué, le Sri Lanka est devenu, suprême injure, une république populaire rejetant la présidence, même symbolique, de sa très Gracieuse Majesté britannique. Les colons anglais sont retournés dans la brumeuse Albion remplacés par la bourgeoisie cinghalaise et le Grand Hôtel n’est plus que l’ombre de ce qu’il était.

 

Si la réception, toute de bois sombre soulignée de quelques accessoires de cuivre, et les salons font encore illusion, le reste de l’établissement dévoile son grand âge et ses petites misères. L’immense salle à manger a encore très fière allure avec ses grandes tables couvertes de nappes blanches immaculées, aux fauteuils sombres de velours rouge, et elle ne manque pas d’impressionner fortement les nouveaux convives d’autant que ceux-ci sont accueillis par une véritable nuée de serveurs et de majordomes en livrée. Mais, à y regarder de plus près, une partie des tables est composée de plateaux posés sur des tréteaux, la livrée des personnels n’apparaît pas très nette et arbore des auréoles de tâches, leur service est maladroit et leurs gestes incongrus comme, chocking, de se passer la main dans les cheveux !

 

Les chambres ont également connu d’autres splendeurs même si elles arborent encore fièrement une étroite cheminée de pierre sombre. Mais la peinture des murs s’écaille, les cadres des fenêtres moisissent, les venteaux baillent, le carrelage de la salle de bain est réparé et inégal, les sanitaires sont d’un autre âge et le rideau de douche en plastique pendouille, miteux.

 

Il est vrai toutefois qu’il ne vous est pas donné tous les jours de dormir dans les anciens bijoux de l’Empire, un manoir anglais à des milliers de kilomètres de la vieille Angleterre. C’est un plaisir toujours un peu malveillant, sournois voire revanchard de la part d’un Français. N’est-il pas ?

 


[1] André Petit. « Ceylan, l’île dont on rêve ». 1955.

 

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