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Notes d'Itinérances
26 septembre 2017

Le rione Colonna, au coeur de Rome (10/13). San Lorenzo in Lucina abrite le tombeau de Nicolas Poussin.

Un lieu de culte depuis l'époque romaine - Les tombeaux de Nicolas Poussin et Gabriele Fonseca

 

Rome Colonna San Lorenzo in Lucina

Par la via delle Missionne l’on débouche sur un espace vide qui ressemble à rien et sert pour partie de parking. Il longe l’immeuble du parlement lequel voudrait imiter un palais Renaissance en beaucoup plus vaste bien entendu. Construit dans les années 1908 à 1927 sous la direction de l'architecte Ernesto Basile, il comprend quatre tours d'angle recouvertes de brique rouge et de travertin. L’ensemble jure terriblement dans le tissu urbain romain. On est plus dans la sucrerie, mais dans le plomb. Fuyons ! 

Par la via di Campo Marzio on atteint la piazza San Lorenzo où se dresse l’église San Lorenzo in Lucina. Lucina aurait été une pieuse et miséricordieuse Romaine ayant créé un lieu de culte chrétien dans sa maison où se réunissaient les premiers convertis. La maison fut consacrée en 440 par le pape Sixte III. Cela, c’est la légende. Il est fort possible que la fameuse « Domus Lucinae », la maison de la pieuse Lucina, était un ancien temple romain de la déesse Junon Lucina (« Junon déesse de lumière ») qui a ensuite été utilisé comme lieu de culte chrétien et transformé plus tard en basilique. Chez les Romains, Junon Lucina conduisait l'enfant vers la lumière le jour de sa naissance. Elle était notamment invoquée par les femmes lorsque l'accouchement commençait. 

Pour le Président de Brosses, lequel s’était fait voler dans l’église son mouchoir, un accessoire vestimentaire important de la vie sociale au XVIIIe siècle, l’explication est toute autre.

« Ce lieu a bien changé de face : c’était autrefois un bois profane (Lucus) où l’on se promenait, et où l’on baisait les filles, comme au bois de Boulogne. A cette heure, c’est une église où l’on vole les mouchoirs » [1].

Autant dire un lieu où l’on ne respecte rien, voire un coupe-gorge !

L’église San Lorenzo in Lucina eut une vie mouvementée de reconstructions, de rénovations et de restaurations successives. Une première basilique a été érigée par le pape Sixte III (432 / 440) avec trois nefs et une abside, restaurée en 685 et en 780 par suite des crues du Tibre. Après les dommages causés par les Normands en 1084, le pape Pascal II (1099 / 1118) a ordonné que l'église soit reconstruite en 1112. Au XVIIe, l'église a subi une restructuration radicale avec la réduction de trois nefs à une, la création de chapelles et le rehaussement du plancher pour prévenir les inondations du fleuve. Une autre restauration eut lieu en 1858 au cours de laquelle les décors baroques de la nef furent enlevés et remplacés par des fresques de Roberto Bompiani. Les problèmes permanents de pénétration des eaux souterraines et d’humidité ont entraîné de nouvelles restaurations en 1919, 1983 et 1998. Les différentes fouilles effectuées au cours de ces restaurations permirent de mettre en évidence l’origine de l’obélisque d’Auguste mais aussi les ruines d’insula romaines des IIe et IIIe siècles.

Le tombeau de Nicolas Poussin (1594 / 1665) a été élevé en 1830 par notre cher vicomte [2] quand il était ambassadeur à Rome, sur ses deniers. Le geste est beau. Sous le buste est représenté, en bas-relief, la seconde version du tableau de Poussin « Les bergers d’Arcadie ». Si l’Arcadie symbolisait un âge d’or où l’homme était en harmonie avec la nature, la mort n’en frappait pas moins. Une « Accademia dell'Arcadia », société de lettrés et d'artistes, fut créée à Rome au XVIIIe siècle laquelle se réunissait tous les jeudis, sur le mont Janicule, dans un petit bois de lauriers et de myrtes [3].

Dans la dernière chapelle à droite, remarquez le buste de Gabriele Fonseca, du Bernin (1675), et comparez-le aux autres bustes de la chapelle. Certes les mouvements semblent exagérés, la main aux longs doigts serre la poitrine trop nerveusement, le cou est tendu avec trop d’affectation, les yeux trop ouverts, mais quelle vie ! Ne dirait-on pas que le médecin d’Innocent III essaye désespérément de lutter contre la mort, voire de s’extraire de son tombeau ?


[1] Président De Brosse. Lettres d’Italie. 1740.

[2] Chateaubriand, bien sûr...

[3] On peut visiter dans le Trastevere le Bosco Parrasio appartenant à « l’Accademia dell’Arcadia », fondée à Rome en 1690 par des poètes de l’entourage de la reine Christine de Suède. Le nom fait référence à un roman pastoral de Jacopo Sannazaro (1501) et à une région du Péloponnèse à laquelle était associée une image idyllique. Le roi Jean V du Portugal donna le terrain, en 1724, à l’Académie où elle tint désormais ses séances.

Liste des promenades dans Rome et liste de la promenade du rionne Colonna

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