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Notes d'Itinérances
13 mars 2022

Emilie - Romagne (21/28). Parme - Le Duomo et les peintures du Corrège.

Hardiesse et affectation du Corrège

 

 

« C’est ici que sont les deux dômes fameux qui firent tant d’exclamation aux Carrache (…). Vous vous imaginez sans peine que nous courûmes à ces dômes comme au feu. Je n’eus pas de celui de la cathédrale une satisfaction égale à celle que j’en attendais. On n’a pas eu assez de soin d’entretenir les couverts, de sorte que l’humidité l’a fort gâté. Outre cela, il y a une grande faute de composition de l’avoir peint à petits compartiments et en figurines, qui se discernent mal à une si grande élévation. Les quatre statues qui paraissent servir d’appui aux quatre angles m’ont paru du meilleur goût que le reste et dans une proportion convenable » [1].

 

Manifestement on faisait alors grand cas de la peinture du dôme de la cathédrale par Antonio Allegri da Correggio, dit Il Correggio, en français, Le Corrège (1489 / 1534). Toutefois, comme pour la Camera de San Paolo, le premier abord est un peu décevant. 

 

Certes, aujourd’hui, les édiles doivent prendre soin des toitures et les peintures ne sont plus gâtées par l’humidité, sans compter que l’on bénéficie de l’éclairage électrique (payant, mais limité) ce qui facilite grandement l’observation de l’œuvre peinte par Le Corrège entre 1526 et 1530, même si celui-ci avait fait ouvrir, dans le même objectif, huit fenêtres circulaires dans le tambour. Mais l’ampleur des figures peintes est impressionnante et l’on a bien du mal à comprendre ce qui est représenté dans cet amoncellement de nuages, d’où dépassent en tous sens bras et jambes, lesquels entourent un puit de lumière où la Vierge Marie semble nager avec quelques difficultés (photo). Le traitement des peintures des pendentifs, modelés en forme de coquilles, est plus explicite en représentant les quatre saints patrons de Parme. On y retrouve une utilisation parfaitement maîtrisée de la perspective et de la lumière, la chaleur des couleurs, la douceur des représentations du Corrège, voire une certaine affectation…

 

« Il semble un Pérugin virtuose, un Léonard sans pensée. Sa grâce est presque niaise. Toutes ces figures m’ennuient avec leur éternel sourire mou ; leur feu d’’ébriété factice. Elles ne sont pas heureuses ; elles font semblant ; elles miment le bonheur. Il faut qu’elles sourient et qu’elles semblent ivres de plaisir ; mais elles ne sont ivres que de sucre » [2].

 

André Suarès est bien sévère même si je ne peux pas tout à fait lui donner tort. On peut certes préférer au Corrège ses grands contemporains, Léonard de Vinci (1452 / 1519), Raphaël (1483 / 1520) ou Michel-Ange (1475 / 1564), mais pour apprécier les peintures du dôme de Parme, comme pour la Camera de San Paolo, il faut néanmoins aussi se reporter à la période historique. Force est de constater le formidable écart dans les représentations avec, par exemple, les somptueuses fresques du palais Schifanoia, alors que soixante ans seulement séparent ces deux œuvres. On passe de la ligne claire au modelé des formes, d’une lumière crue, égale, à des dégradés subtils d’ombres et de clarté, sans parler de la maîtrise parfaite des règles de la perspective. On ne peut qu’être frappé par la vitesse avec laquelle les peintres vont posséder l’art de la perspective car les premières expériences sur celle-ci datent seulement de 1415, à Florence, par Filippo Brunelleschi, et sa théorisation de 1435 par Leon Battista Alberti ! 

 

Les murs de la nef sont également ornés d’un vaste ensemble de fresques peintes, de 1567 à 1573, par Lattanzio Gambara. Elles sont développées sur trois niveaux, chacun correspondant à un thème. A niveau inférieur, entre les arcs de communication, de petites scènes représentant des épisodes de 'l'ancien Testament, au-dessus de la galerie, de vastes scènes des épisodes du nouveau Testament et, dans les lunettes sous la voûte, des figures allégoriques.

 


[1] Président De Brosse. « Lettres d’Italie ». 1740.

[2] André Suarès. « Voyage du Condottiere ». 1932.

 

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