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Notes d'Itinérances
10 mai 2023

Rome, étrange et curieuse (37/45). Rione Celio XIX (1) – Un catalogue des tortures – Via di San Stefano Rotondo, 7.

La liste des horreurs dont sont capables les hommes

 

 

San Stefano Rotondo présente les particularités d’être une église circulaire et l’une des plus vieilles de Rome puisqu’elle a été inaugurée sous le pape Sixte III (432 / 440) [1]. L'église a été construite pour abriter les reliques du protomartyr [2] saint Étienne en utilisant les matériaux largement disponibles à proximité. La Rome papale s’est nourrie de la Rome antique. 

 

A l’origine, l’église était composée, outre le tambour central, de trois couronnes concentriques au sein desquelles se développait une croix grecque abritant dans chaque bras une chapelle. C’était un plan original qui réussissait la synthèse de deux formes architecturales et symboliques, le cercle et la croix grecque à quatre bras égaux. Le modèle en aurait été le Saint-Sépulcre de Jérusalem. Le tambour central comportait vingt-deux fenêtres mais la plupart d'entre elles ont été murées au XVe siècle. Après l’invasion des Normands en 1084, l’anneau extérieur fut supprimé et le noyau central renforcé par un arc. Pendant la Contre-Réforme, Grégoire XIII Boncompagni (1572 / 1585) fit décorer les murs extérieurs de la seconde couronne d’une série de 34 fresques de martyrs de premier plan ! Chaque fresque comporte une inscription relatant la scène représentée, avec le nom de l'empereur qui a ordonné l'exécution, ainsi que des citations de la Bible [3]

 

L’ensemble constitue un abominable catalogue de ce que les hommes peuvent faire subir à leurs semblables. Plusieurs scènes représentent des crucifixions « classiques » ou, une variante, avec la tête en bas comme celle de Pierre. Mais aussi, les bourreaux leur tranchent les mains, les membres, à la hache ou à l’épée, on leur arrache les seins avec des pinces, leur coupe la langue, les transperce de flèches, d’épées, on les ratisse, on les ébouillante, leur verse sur le corps de l’huile brûlante, les plonge dans des chaudrons remplis d’eau ou d’huile bouillantes, on les égorge, les décapite, on les fait brûler, griller, ou mettre mains ou pieds dans les braises, on les lapide, les écrase sous des rochers, les enterre vivants ou les noie, on les jette dans le vide, on les fait mordre par des chiens, manger par des lions ou des panthères… Je n’ai pas tout noté et je dois en oublier.

 

« Mais St. Stefano Rotondo, voûte humide et moisie d'une ancienne église de la banlieue de Rome, aura toujours du mal à rester en tête de mon esprit en raison des peintures hideuses dont ses murs sont recouverts. Ceux-ci représentent les martyres des saints et des premiers chrétiens, et un tel panorama d'horreur et de boucherie qu'aucun homme ne pouvait imaginer dans son sommeil, même s'il devait manger un cochon entier cru pour le souper » [4] !

 

Curieuse remarque de Dickens ! Les hommes sont bien assez bêtes et méchants pour exécuter ces idées atroces sans avoir à manger un cochon entier et cru ! Le XXe siècle n’a pas cessé de nous en donner des exemples plus monstrueux les uns que les autres. Il est vrai que les martyrs de ce siècle étaient si nombreux, si modestes, sans ambition sinon de vivre, qu’ils n’ont pas connu de gloire posthume et qu’ils sont restés presque tous anonymes. 

 

De ce catalogue des horreurs, un seul supplice est curieusement absent bien que très largement utilisé : le viol. Parce qu’il est trop fréquent et ne présente pas un caractère exceptionnel ? Ou, plus prosaïquement parce que la « décence » empêcherait de l’illustrer dans une église ?

 


[1] Romanchurches. San Stefano Rotondo.

[2] Martyrs des premiers temps du christianisme.

[3] En 2019, par suite de la construction souterraine de la ligne C du métro qui passe quelque part en dessous de l’église, les murs étaient étayés pour éviter des dommages éventuels. A la vitesse à laquelle progresse le percement de la ligne C, il était difficile d’imaginer dans combien de mois (d’années ?) les fresques pourraient être à nouveau visibles. Alors par sagesse, ou par lucidité, les autorités compétentes avaient réalisé des copies des fresques sur toile, mais de taille plus réduite.

[4] « These represent the martyrdoms of saints and early Christians ; and such a panorama of horror and butchery no man could imagine in his sleep, though he were to eat a whole pig raw, for supper ». Charles Dickens. « Pictures from Italy ». 1846. 

 

Liste des promenades dans Rome  et liste des promenades dans Rome étrange et curieuse

 

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