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Notes d'Itinérances
24 novembre 2023

Viêt-Nam - 1995 / 2023 (4/27). Hommage à l’Oncle Ho.

Pauvre Oncle Ho momifié qui n’en demandait pas tant

 

 

La visite de la ville commence nécessairement par celle du mausolée où repose Ho-Chi-Minh [1]. C’est un cube massif à colonnes de marbre précédé, en façade, d’une tribune grise surplombant l’avenue sur laquelle se déroulent les défilés militaires (photo). Il nous faut toutefois laisser la priorité aux délégations officielles du gouvernement, du parti, des syndicats et de la jeunesse communiste, qui viennent s’y recueillir pour je ne sais quelle célébration. Ballet des limousines qui crachent leurs personnalités, par petits paquets, devant le cénotaphe. Chaque petit paquet se met bien sagement en file indienne et décrit, en marchant, un angle droit parfait face au mausolée. Puis, il fait une halte devant l’entrée, attend, et pénètre, à son tour, dans le sanctuaire. Le cérémonial apparaît bien huilé, et copié sur celui du mausolée de Lénine à Moscou.

 

« C’est ici la grande force de ce peuple malingre. Il ne résiste pas : il s’adapte. Doué d’une faculté d’assimilation exceptionnelle il épouse à l’instant les pratiques du vainqueur. (...) Pendant des siècles, la Chine l’a asservi : il est devenu Chinois. Il a pris son écriture, sa morale, son art, ses coutumes, ses dieux. (...) Maintenant, c’est la France qui règne : ils deviennent Français. Si Français que, dans les collèges mixtes, les jeunes Annamites battent les élèves blancs aux examens (...). Si les Russes, un jour, traversaient la Chine et envahissaient notre Extrême-Orient, les Annamites, dix ans après, auraient des icônes (...) » [2].

 

Finalement, ironie de l’histoire, les Russes ont traversé la Chine et les Vietnamiens ont désormais leur icône ! Pauvre Oncle Ho que l’on a momifié et qui n’en demandait pas tant. Il souhaitait être incinéré et que ses cendres soient dispersées dans les trois régions du Vietnam. Mais le Parti Communiste Vietnamien en a décidé autrement en construisant ce mausolée imposant et laid.

 

Après les délégations officielles habituées au cérémonial et à ses codes, il est bien difficile aux policiers et soldats chargés de la garde, tout de blanc vêtus, de faire mettre en rang, par deux, ces touristes étrangers, français et italiens pour la plupart, indisciplinés, bavards et rigolards, refusant de se soumettre à une règle aussi évidente soit-elle. La cérémonie de passage devant le corps embaumé du père de la patrie est empesée, d’une solennité convenue, si souvent répétée qu’elle en a perdu son sens, elle est devenue un rite, une obligation d’un autre temps qu’un quarteron de vieillards fait perdurer pour maintenir leur pouvoir. C’est d’ailleurs une scène avec un public très restreint, alors que la foule grouille dans les rues adjacentes, où chacun commerce, vend, loue, achète et que le dollar devient la référence obligée de toute relation économique.

 

Cette cérémonie, toute convenue qu’elle soit, n’en conserve pas moins, pour moi du moins, une certaine intensité émotionnelle en souvenir des années 1966 / 1967. Lyndon Baines Johnson était alors président des États-Unis depuis le printemps 1964. Il procédait à une escalade de la guerre au nord du dix-septième parallèle après les incidents d’août de la même année dans le golfe du Tonkin où des vedettes nord-vietnamiennes auraient prétendument attaqué le destroyer américain Maddox [3]. Les effectifs de l’armée américaine dépassaient le demi-million de soldats engagés au Viêt-Nam. La Une des journaux français était pleine du fracas de ce qui allait devenir, petit à petit, une sale guerre. Étudiant, je m’insurgeais contre la politique belliqueuse américaine en arborant une blouse blanche sur laquelle j’avais dessiné une tête de mort au centre de l’insigne de l’US Air-Force, le tout sous-titré des initiales du président américain, LBJ. La direction de l’école n’appréciait pas beaucoup et me demanda de faire disparaître ce signe politique, ce que je m’empressais de ne pas faire, bien entendu ! 

 


[1] 2023. La rigueur révolutionnaire des Vietnamiens semble s’émousser car la visite du mausolée n’est plus une ardente obligation. On peut désormais se contenter de vous le montrer de loin.

[2] Roland Dorgelès. « Sur la route mandarine ». 1925.

[3] 2023. Le 2 août 1964, le destroyer américain Maddox, au cours d'une mission de reconnaissance dans le golfe du Tonkin, déclare avoir été attaqué dans les eaux internationales par trois torpilleurs nord-vietnamiens. En conséquence, des avions américains sont envoyés pour bombarder des sites militaires au nord-Vietnam, ouvrant ainsi la voie aux bombardements aériens sur ce pays et à l’engagement massif américain dans la guerre. On sait désormais qu’il s’agissait d’un prétexte monté de toutes pièces par des officiers de la National Security Agency.

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