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Notes d'Itinérances
26 juin 2019

Chronique burkinabée - 1990 / 2005 (29/32). Invitation burkinabée.

L’amitié et le partage pour tout protocole

 

 

 

Une participante au séminaire, Désirée, souhaite nous inviter chez elle. Comme précédemment Ernestine, je l’avais rencontrée dans un établissement d’enseignement où elle était venue faire des études supérieures grâce à une bourse de la coopération française. A quarante ans, Désirée est une forte femme, au visage rond, toujours en train de plaisanter et de rire. Elle est fonctionnaire du ministère de l’Agriculture dans un service où il n’y a pas de projets avec des financements internationaux et, pour tout dire, en conséquence, pas beaucoup de moyens et de travail. conditions de vie, 

 

Pas de voiture officielle pour venir nous chercher, et même pas de voiture du tout, Désirée et son mari ne possédant pas de véhicule. Nous avons rendez-vous sur le parking du Centre Hospitalier Universitaire pédiatrique « Charles de Gaulle » avec l’époux de Désirée. Celui-ci  pilotera alors un taxi avec sa mobylette. La première étape est faite sans difficulté, les taxis connaissent bien l’hôpital Charles de Gaulle et on nous laisse sur l’esplanade poussiéreuse qui tient le lieu de parking dans la journée. Il fait déjà nuit car la nuit tombe vite sous les tropiques, mais quelques réverbères nous permettent néanmoins de repérer les lieux. L’attente nous laisse le temps d’observer des musulmans en prière dans une mosquée délimitée simplement au sol par une rangée de pierres. Le temps passe… Nous allons d’un bout à l’autre du parking pour que le mari de Désirée, que nous ne connaissons pas, puisse nous repérer. Trois Africains accompagnés de deux Européens, qui tournent en rond sur un parking de Ouagadougou, à la tombée de la nuit, ça devrait se remarquer. 

 

Après une assez longue attente, nous finissons par croiser le mari de Désirée qui lui aussi tournait en rond avec sa mobylette, mais pas dans le même sens peut-être ? Le temps d’arrêter deux taxis, de leur expliquer qu’il faut suivre la mobylette, et nous voilà parti dans les rues sans goudron des nouveaux quartiers de Ouaga. Le mari de Désirée s’arrête devant une porte ouverte qui laisse deviner une cour intérieure éclairée par un néon. A peine passée la porte, Désirée nous saute au cou en riant. Son époux est gendarme, mais il s’empresse de signaler qu’il travaille dans l’informatisation des fichiers. Avec trois enfants, leurs deux revenus de fonctionnaires, cadres-moyens, ne leur permettent pas de s’acheter une voiture et ils roulent tous les deux à mobylette. Désirée et son mari ont néanmoins fait construire cette petite maison dans la cour de laquelle ils nous reçoivent. On est bien loin des 150 m2 du salon d’accueil de la « Maison de France » [1]. Murs en parpaing, sol en ciment, portes en fer. La maison est située dans un quartier assez éloigné du centre de Ouagadougou, sans nom de rue, quelque part vers le croisement de l’avenue du Général de Gaulle et le boulevard de la Jeunesse… Quel programme ! Il faut bien aller jusqu’à Ouagadougou pour y voir se rencontrer le Grand Charles et la jeunesse après leurs durs affrontements de mai 68 ! Désirée nous installe sans façon autour d’une table de jardin couverte d’une toile cirée. Pas de plan de table, pas de larbin en veste blanche à petit col montant, pas de haut fonctionnaire et d’histoire de création d’école, ou de directeur avec ses stratégies d’encerclement du Nigéria, mais des nourritures terrestres et roboratives à profusion avec, par-dessus tout cela, le grand rire clair et joyeux de Désirée. Elle a préparé un repas pour un régiment et se désole que nous ne terminions pas les plats où s’entassent légumes, riz, bananes plantain frites, boule de manioc, poulet, bœuf et dans lequel chacun est invité à puiser sans ménagement, le tout accompagné de moult bières. Le protocole, chez Désirée, c’est l’amitié et le partage.

 

Pour le retour à notre hôtel, comme la maison de Désirée est située assez loin des rues passantes, dans un quartier sans trottoirs, ni rues goudronnées, ni même d’éclairage public, son mari part en mobylette à la pêche aux taxis. Il suffit ensuite d’attendre. Mais la pêche est finalement bonne et il nous ramène deux belles prises.

 


[1] L’ambassade de France à Ouagadougou est située avenue de l’Indépendance, à proximité de l’Assemblée nationale et la Présidence de la République. Elle comprend différents bâtiments dont la résidence de l’ambassadeur, la « Maison de France ». C’est un bel édifice d’architecture moderne, construit dans les années 60, lignes droites, volumes carrés, vastes fenêtres. L’absence de climatisation (à l’origine) était compensée par des plafonds très élevés, de 4 à 6 mètres. Le salon où nous sommes reçus à l’occasion du séminaire doit  bien faire 15 mètres sur 10, et 6 de hauteur. Divans, sofas, et fauteuils sont dispersés dans la pièce, nombreux mais si loin les uns des autres, que la douzaine de personnes présentes ne peut discuter qu’avec son plus proche voisin sinon cela exigerait l’utilisation d’un porte-voix ou d’une sonorisation !

 

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